Dans la vraie vie

Et si on parlait un peu des angoissés du boulot ? Des anxieux du quotidien ? Des névrosés de la vie de couple ? De ces hommes et ces femmes a priori entourés mais au final extrêmement seuls. Seuls au point d’en devenir misérables, à fleur de peau, tendus, spectateurs de leur propre vie à seule fin de sauver les apparences. Car les apparences sont pesantes, toujours... Et où, sinon au sein de l’entreprise, doit-on faire bonne figure même quand tout va de travers une fois rentré à la maison ? Alors on s’invente une carapace, une identité virtuelle. On peut aussi tester les speed dating, histoire de se donner une dernière chance et d’essayer de se rassurer sur son pouvoir de séduction.

Ce sont des personnages de cette trempe qu’Héléna Villovitch examine à la loupe. Des personnages, hommes comme femmes, qui, sous couvert d’une angoisse professionnelle permanente, ne cherchent qu’une chose. Une relation sincère. Quelqu’un avec qui partager, quelqu’un à qui donner, quitte à se faire rouler dans la farine par le premier venu. Le monde de l’entreprise, de la précarité et des petits boulots est intelligemment observé, exagéré jusqu’à rendre toutes les situations absurdes et drôles. Oui, voilà à quoi ressemble "la vraie vie" de ces gens des villes, nous explique Hélèna Villovitch dans chacun des récits de cet ouvrage.

Avec un style plein de vigueur et d’enthousiasme, elle s’amuse des travers et des faiblesses de ses semblables. Et puis, au fur et à mesure de la lecture, le sourire se transforme en grimace. Car ces scènes du monde de l’entreprise, ces descriptions au vitriol de la misère sentimentale, incitent plus à la compassion qu’à la drôlerie. Sauf si l’on aime rire du malheur des autres. Alors on imagine facilement Héléna Villovitch, un rictus au bord des lèvres. Car oui, elle se moque de ses contemporains et dans ce registre-là, elle s’en tire drôlement bien.