Petit traité d’une vie ordinaire
Le 6 mars 2015
Après De vrais mensonges, comédie en demi-teinte qui valait surtout pour l’interprétation de Nathalie Baye, Pierre Salvadori renoue avec le ton gentiment décalé d’Hors de prix et signe son œuvre la plus personnelle. Intelligent, vif, mélancolique et par-dessus tout marqué du sceau de l’authenticité, Dans la cour passe du rire aux larmes avec une aisance de tous les instants en s’appuyant sur des comédiens d’une humanité formidable emmenés par la révélation Gustave Kervern.
- Réalisateur : Pierre Salvadori
- Acteurs : Catherine Deneuve, Nicolas Bouchaud, Gustave Kervern, Pio Marmaï, Carole Franck, Michèle Moretti, Féodor Atkine, Garance Clavel
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Durée : 1h37mn
- Box-office : 386 293 entrées France / 116 238 entrées P.P.
- Date de sortie : 23 avril 2014
L’argument : Antoine est musicien. A quarante ans, il décide brusquement de mettre fin à sa carrière. Après quelques jours d’errance, il se fait embaucher comme gardien d’immeuble. Jeune retraitée, Mathilde découvre une inquiétante fissure sur le mur de son salon. Peu à peu, son angoisse grandit pour se transformer en panique : et si l’immeuble s’effondrait... Tout doucement, Antoine se prend d’amitié pour cette femme qu’il craint de voir sombrer vers la folie. Entre dérapages et inquiétudes, tous deux forment un tandem maladroit, drolatique et solidaire qui les aidera, peut-être, à traverser cette mauvaise passe.
Notre avis : Scénariste de tous ses films, Pierre Salvadori s’est fait une place au soleil dans le paysage cinématographique français grâce à des comédies à fort ancrage social et à son aisance à présenter avec humour et tendresse des personnages marginaux luttant pour leur survie dans un monde qui se refuse à eux. Avec Dans la cour, le réalisateur continue de broder sur des thèmes universels (l’amitié, l’amour, le temps qui passe), canevas propice aux pérégrinations de personnages ordinaires dépeints avec une infinie bienveillance dont on partage un quotidien rendu extraordinaire par les aléas de la vie, avec ses joies et ses peines. La force de Salvadori réside dans sa capacité à croquer au plus près une tranche de vie de ses personnages pris à un moment où leur existence bascule sans pour autant les transformer en stéréotypes sociétaux. En résulte une évidente empathie pour Mathilde et Antoine, deux héros maladroits qui ne semblent pouvoir s’accomplir que par le don de soi sans rien attendre en retour. Salvadori, sous des allures de grand candide, ne masque pas la dure réalité qui, sous le vernis des apparences, voit les protagonistes glisser doucement vers un abîme de déprime. Il a cependant la délicatesse de rester extrêmement pudique -tant dans la forme qu’au niveau du développement de l’intrigue-, le drame n’apparaissant presque jamais de front, désarmé par le rire, symbole ici d’une volonté indéfectible de montrer la beauté de la vie. Si Dans la cour séduit tant, c’est qu’il est capable de dégager de manière extrêmement intuitive ce que peu de films parviennent véritablement à exhaler, soit une énergie vitale qui nous donne l’envie d’accéder nous aussi à des bonheurs simples.Ainsi, Salvadori se fait l’ambassadeur d’une rencontre qui procède d’une urgence, celle de s’incarner dans un monde où tant de gens peinent à trouver la place qui est la leur. Avec la tendresse d’un rêveur (on sent que Salvadori a mis quelque chose de lui-même dans le personnage d’Antoine), le réalisateur met en scène deux errances, celle de Mathilde, prisonnière de ses angoisses de mort et d’une absence qu’elle ne sait comment gérer, et celle d’Antoine, musicien paumé et apathique résigné à ne plus être l’acteur de sa propre vie. Volontaire dans sa démarche mais dénué de tout optimisme forcené, le film explore les failles, les fêlures de personnages qui se révèlent bien plus complexes qu’au premier abord. Pour incarner ce duo pas comme les autres (quoique leur décalage soit somme toute très relatif et ressemble à celui de tant d’autres), Gustave Kervern et Catherine Deneuve semblent, plus que légitimes, presque évidents. Deneuve est comme toujours impeccable en jeune retraitée qui perd les pédales mais la surprise vient véritablement de Kervern, qui pour son premier rôle important au cinéma, livre une composition d’un naturel sidérant, le rôle d’Antoine semblant vraiment lui coller à la peau. Le coréalisateur de Mammuth (avec Benoît Delépine) et ancien acteur de Groland incarne à la perfection ce monsieur tout le monde en quête de lui-même, grand sensible à l’air bonhomme aussi gentil qu’un nounours pourtant en proie à un redoutable conflit interne. Au final, Dans la cour allie subtilement des moments drolatiques aux dialogues pêchus et un comique de situation qui fait mouche à une vraie force émotionnelle nourrie de la violence et de la fulgurance des sentiments. Une belle ode à la vie, qui, comme les rosiers d’Antoine qui grimpent sur les murs, semble toujours trouver son chemin.
- © Photo Jérôme Bonnet. Tous droits réservés.
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Frédéric Mignard 21 avril 2014
Dans la cour - la critique du film
Joli film lunaire qui s’éloigne du cinéma habituel de Salvadori, et c’est tant mieux.
nani 16 mai 2020
Dans la cour - la critique du film
un film troublant et déprimant