Le 11 novembre 2018
- Réalisateur : Pierre Salvadori
- Genre : Cinéma
Sur un auteur finalement assez peu étudié, ce petit livre revigorant ouvre des voies dans un style accessible et très vivant.
Résumé : Réalisateur de longs métrages à la fois burlesques, mélancoliques et touchants ("Les Apprentis", "Hors de prix", "Dans la cour", "En liberté !"…), Pierre Salvadori pourrait bien être l’héritier français de l’âge d’or des comédies américaines, celles d’Ernst Lubitsch et de Blake Edwards. Ses protagonistes, qu’ils vivent en marge de la société ou soient lestés par leurs traumatismes passés, cherchent sans cesse des voies pour s’en sortir, faisant de sa filmographie un guide de survie dans le monde moderne. Composé d’un essai et d’un entretien, c’est ce mélange de douceur et de violence, porté par une éthique de la mise en scène à la générosité rare dans le cinéma français, qu’explore "Pierre Salvadori, le prix de la comédie".
Notre avis : Comme le veut la collection, le livre se partage en deux ensembles inégaux : un court essai de Nicolas Tellop, et un long entretien mené par Quentin Mével et Dominique Toulat. Le premier part d’une thèse abondamment développée, selon laquelle les films de Salvadori sont les héritiers de la comédie sophistiquée hollywoodienne. Les preuves données sont assez convaincantes, avec un focus sur le style et le motif de la porte dont on connaît l’importance chez Lubitsch, mais le plus important, et le plus fécond, réside dans les écarts entre les « modèles » et Salvadori. Loin de se conformer à des canons établis, le cinéaste s’en éloigne par d’autres influences (Marivaux, la comédie italienne) et, surtout, par cette touche personnelle, son attention aux marginaux.
On a jugé ici même inégalement les films de Salvadori. Le mérite de l’essai, écrit de manière limpide, est de leur donner une cohérence d’ensemble par des renvois incessants de l’un à l’autre. On peut être sceptique et le rester, mais trouver séduisantes les théories (l’absence de scènes d’amour, notamment) avancées dans ces quelques pages, alertes et souvent pénétrantes.
Il n’y a pas, dans l’entretien, de bavardages : quelques indications sur les débuts, et, tout de suite, les interviewers qui connaissent visiblement leur Salvadori sur le bout des ongles, font émerger des choix, demandent des précisions, et nous révèlent un réalisateur particulièrement lucide sur sa mise en scène et même ses erreurs. Si le ton est sérieux, on se plaît à lire un dialogue très fluide, dans lequel l’auteur de Dans la cour multiplie les formules heureuses (« Un beau plan, c’est une idée propre au film et qui ne peut appartenir qu’à ce film ». « Les acteurs sont mes alliés d’écriture ». « La peur de l’ennui me contraint à la comédie », « Je préfère les acteurs qui jouent le film aux acteurs qui jouent le rôle », etc.). Mais par ses explications, il fait également pénétrer le lecteur dans les coulisses d’un tournage et de sa « méthode » (partir de soi, s’adapter aux acteurs) sans que cela soit pesant ou prétentieux. Se dégage au fond une manière d’éthique, dont, en repensant aux films, on voit bien qu’elle transparaît à l’écran. Salvadori ne triche pas, et c’est sans doute ce qui donne à son cinéma une humanité qu’on sent dans chacune de ses interventions. Il faut bien ça pour créer des « films qui aident à vivre ».
160 pages
Collection « Face B » - Essai et Entretien
Édition Playlist Society
Format : 12 x 15,7 cm
Parution : 16 novembre 2018
Galerie photos
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