Corpus Monstrum - La chronique BD

Société secrète habituée à combattre les forces démoniaques partout sur Terre, Corpus Monstrum repose essentiellement sur les épaules et le heaume de son fondateur, M. Benedict. À travers cinq histoires extravagantes, loufoques ou inquiétantes, Gary Gianni a voulu jouer sur un ton ironique et une action délirante. Ce qui pourrait passer pour une œuvre avant tout comique n’oublie pas de puiser dans le fantastique des grands auteurs, Poe, Lovecraft et bien d’autres, tout en convoquant le drame et le tragique, Shakespeare en tête, et en invitant à la poésie, ancienne ou récente. Bien combinés, ces éléments créent une ambiance étrange, qui fait passer du frisson au sourire, au sens le plus littéral du terme "étrange". Les monstres, tantôt horribles, tantôt risibles, sont à l’image de cette œuvre, qui s’appuie sur son héros mystérieux, sorte de James Bond croisé avec Van Hesling, dans une ambiance qui n’est pas sans rappeler celle d’Hellboy, puisque l’auteur a publié dans le comic du Mignola ses premières nouvelles. Action débridée, personnages hauts en couleurs, démons emprisonnés et sur le point de s’échapper, les comparaisons sont nombreuses, mais l’ambiance est à des années lumières. Un effet rétro enveloppe tout l’album, façon Ligue des gentlemen extraordinaires ou Brigade chimérique dans l’inspiration, mais que le dessin cristallise.

© Mosquito

En effet, le graphisme s’appuie sur un crayonné, des traits noirs sur blanc qui rappelle le cinéma sans couleurs, avec des visages aux moustaches d’époque, et des costumes de la période des années 1950. L’ironie et les décalages peuvent également rappeler la série Cinémastock de Gotlib, avec ce noir et blanc efficace pour plonger dans les temps anciens. De fait, les gargouilles, minions et autres diableries ont un côté bouffon, grossier et ridicule, avec leurs gros ventres et leur inefficacité à pouvoir blesser les héros malgré leur nombre et leur taille. Même lorsque Dagon ou des monstres marins de Lovecraft sont convoqués, l’ambiance reste légère, alors que le dessin suggère le contraire. Un joli tour de force qui désoriente le lecteur, qui ne peut cependant qu’apprécier.

© Mosquito

Le Corpus Monstrum n’est pas un de ces livres très sérieux sur les chasseurs de sorcières. On pourrait croire qu’il date, mais en fait il rend hommage, caricature ou dépasse ses anciens maîtres, pour déjouer les habitudes et certitudes du lecteur. Très, très bien joué de la part de Gianni.