Bouquet de nerfs
Le 3 mars 2004
Froide, objective, terrifiante, l’histoire vraie d’un gamin pas très civilisé devenu un salaud intégral.
- Auteurs : Audrey Diwan, Fatou Biramah
- Collection : Impact
- Editeur : Denoël
- Genre : Document
"Trois négros déchaînés, du NTM à fond dans un gros BM, forcément ça attire l’œil", explique intelligemment le Salaud. Il fournit aussi des informations plutôt pratiques (comment braquer une station service, comment braquer un Relais H, pourquoi ça ne sert à rien d’essayer de braquer un Prisunic).
Audrey Diwan et Fatou Biramah ont écrit cette confession d’après les témoignages d’un bandit de banlieue. Son histoire, c’est celle d’un Malien qui se retrouve parachuté dans un monde marchand où rien ne lui est autorisé, et au début, ce n’est pas exactement ce dont on rêve, que de passer sa vie derrière la vitrine. Alors le Malien, il fait avec ce qu’il a sous la main, parce que le gamin n’est pas exactement civilisé, il va à ce qui lui paraît le plus simple : des petits services rendus pour les grands, on passe au deal entre copains, au deal entre plein de copains de copains de copains, à la taule, au deal à grande échelle, à la taule de nouveau, au deal international, au braquage, à la taule etc.
Et le plus curieux dans ce document écrit comme un roman, c’est qu’on commence par exulter. On est heureux de voir le Salaud se diversifier, prendre du grade, trouver des combines de plus en plus juteuses, on jubile de le voir avec sa bande, de les voir prendre l’autoroute du soleil "avec des calibres, des cagoules et des postiches" au fond de leurs bagages. Toujours quelques kilos de cocaïne qui traînent sur la plage arrière. La police ne nous fait plus peur, ni à eux, ni à nous lecteurs, et de toutes façons, "on les emmerde". On est dans Scarface. Si on ne ressent plus la peur de la police, on se fiche aussi pas mal de l’injustice envers les victimes, ce qui rend tous les faits et gestes de ce Salaud (il s’agit le plus souvent de vendre de la came, de tabasser un piéton, de voler de l’argent, de voler de la came, de couper de la came, de faire du repérage, d’aller en taule, de se faire des contacts, de tabasser des contacts en taule pour des histoires de came, etc.) quasi abstraits, sans rapport avec la réalité, un peu comme dans un jeu vidéo.
A aucun moment Audrey Diwan et Fatou Biramah n’apposent un jugement sur leur Salaud. Elles se contentent de relater sa vie, sans le délit de la critique facile. Il s’agit d’un simple constat, raconté à la première personne, parfaitement objectif, froid, terrifiant. On est dans la peau du Salaud, c’est nous le pit-bull du boulevard Barbès, c’est nous le Malien en cavale, c’est nous le type à moitié débile qui deale à tort et à travers, et c’est nous enfin celui qui se retrouve systématiquement dans un coin de mur, coincé, chauffé à blanc comme pour un combat de chiens, la rage au ventre.
Et finalement, la rue, les gens autour, la justice, le monde carcéral, tout le système se trouve bousculé, non qu’il soit mis en cause, mais que l’existence même de ce Salaud, ce vrai salaud, est la preuve d’un malaise qui ne se résout pas en accroissant la population carcérale.
Ça peut ressembler à un message, c’est une simple confession.
Fatou Biramah et Audrey Diwan, Confessions d’un salaud, Denoël, coll. "Impact", 2004, 200 pages, 15 €
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Saadhia 8 novembre 2004
Confessions d’un salaud - Audrey Diwan et Fatou Biramah
j’espere qu’il nai pas fier de ce qu’il a fait. On peut ne pas aimé la police et avoir de la pitié pour les victimes meskin. Ici on est pas au bled, on a de la chance, en france on est rejeté mais on a plus de sécurité surtout quand on est une femme. Saadhia.
titi 15 janvier 2005
Confessions d’un salaud - Audrey Diwan et Fatou Biramah
je trouve ce livre très bien j’aimerai seulemnt savoir l’identité de ce malien et si c’est pas possible j’aimerai savoir comment faire pour retrouver sa trace merci d’avance pour votre réponse