Le 13 décembre 2018
A la fois riche et cohérent, ce coffret ravira les fans du plus célèbre anarchiste de la chanson française.
- Réalisateurs : Roger Sciandra - Janine Guyon - Jean Kerchbron - Yvan Jouannet
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- : INA éditions
- Durée : 6h15min
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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– Sortie du coffret : le 6 novembre 2018
Résumé : Chansonnier, poète, anar, tantôt gouailleur tantôt lyrique, tendre ou revendicateur, bête de scène, artiste à fleur de peau, pop star, Léo Ferré est un monument protéiforme de la chanson française qui rend son public insatiable. Pour la première fois, l’Ina rassemble dans ce coffret d’anthologie les prestations de Léo Ferré à la télévision : la quasi-totalité de ses interprétations avec plus de 70 chansons, des interviews, un extrait de 15’ du concert à Bobino de 1970 et le très beau documentaire filmé à l’occasion de sa tournée en Belgique de 1971.
- © 2018 Ina Editions. Tous droits réservés.
Contenu du coffret :
- Le DVD "Première période" (1956-1976, 130’) : Pour ceux qui l’avaient oublié, Léo Ferré ne chanta pas toujours des paroles révoltées. On peut même dire que la première partie de sa carrière, qui emprunta le chemin des cabarets, s’inscrit dans une certaine tradition de la chanson réaliste (on retient Le Flamenco de Paris et surtout Mon Sébasto -superbe morceau co-signé avec le fidèle ami Jean-Roger Caussimon)-. A d’autres moments, les oeuvres de Ferré lorgnent sur un swing cher à Charles Trenet (Le Jazz band). Souvent, l’artiste se montre particulièrement expressif. Parfois trop. Certaines gestuelles paraissent affectées. On préférera le Ferré plus sobre qui porte les paroles superbes de Comme à Ostende, si bréliennes, et pas seulement parce qu’il s’agit de Belgique.
Lorsqu’il dit les poètes Baudelaire, Apollinaire, Verlaine ou Aragon dans un florilège piano-voix, l’interprète convainc également. Sa voix articule des vers qui semblent avoir été écrits pour lui. En scène, l’homme assume modestement son premier grand succès, "sur les filles d’aujourd"hui", Joli môme. C’est le début des années Barclay,. Le style de l’auteur s’affine, parvient à encapsuler un quartier et une époque dans Saint-Germain-des-Prés ou à magnifier la mélancolie dans La vie d’artiste. Mais on est loin d’imaginer que ce chanteur, encore très proche d’une tradition française qui fait dialoguer Bruant, Piaf ou Trenet, amorcera son grand virage artistique au mitan de sa carrière. La couleur arrive naturellement pour éclairer cette inflexion : sans costume et sans noeud papillon, Ferré rajeunit. Après le tournant de 68, il devient l’idole de toute une génération d’étudiants gauchistes, chante à des mômes de vingt ans des chansons qui leur ressemblent, comme plus tard un certain Serge Gainsbourg. C’est la grande période furieuse, lyrique, libertaire de l’artiste. La poésie trempe à la fois dans le noir du drapeau anarchiste et dans l’hermétisme mallarméen, de Poète, vos papiers à l’incontournable La mémoire et la mer ou le mythique Avec le temps, qu’on évitera d’écouter en lisant son avis d’imposition. Les chansons sont entrecoupées par des entretiens plus ou moins intéressants : si la timidité de Caussimon parvient à toucher, d’autant qu’elle s’accommode d’une pudeur à évoquer un chef-d’oeuvre, les propos de l’écrivain Paul Guimard sur la chasse ne sont pas d’un grand intérêt.
- Le DVD "Seconde période" (1974-1987, 110’)
C’était l’époque où les artistes cherchaient des clopes dans la poche de leurs blousons, en donnant l’impression qu’ils passaient sur un plateau de télé, sans vouloir s’y arrêter. Ferré illustre ce temps d’avant la loi Evin, tout en répondant aux questions de la percutante Denise Glaser. Il extirpe de son vêtement un attirail hétéroclite -une lame de rasoir, des pastilles pour la gorge, une brosse à dents, un couteau suisse-, avant d’interpréter la tonitruante chanson L’espoir. La scène devient un terrain de lutte, où les monologues en prose surplombent les parties chantées, notamment sur l’épique Et... Basta !. Le vers d’Alain Souchon -"du vieux Ferré les cris, la tempête"- pourrait servir de sous-titre à cette période où les orchestrations symphoniques s’invitent aussi sur des morceaux comme Love et Le superlatif, pour adoucir une certaine rage, qui demeure tout de même ce qu’on préfère chez Ferré, surtout quand elle vient toucher la forme musicale, jusqu’à la bouleverser : à cette aune, le morceau de bravoure Les chiens, sans doute le premier spoken word généré par la chanson française, ne méritait pas cette épouvantable liturgie monacale qu’on entend, plutôt les stridences du rock expérimental, telles que l’album Amour anarchie nous les offre, dans sept minutes d’une rare intensité.
Si l’on veut découvrir un Ferré plus inconnu, proche de ses racines monégasques, on entendra avec plaisir la tendre déclaration offerte à la commune de Peille, où le chanteur séjournait régulièrement.
Les intermèdes avec d’autres artistes vont de l’anecdotique (Sylvain Vartan, qui n’a rien à dire) au franchement touchant (Coluche, pour une fois intimidé).
- Le CD audio "Passages radio 1957-1962", 59’
Un florilège de dix-huit chansons, où la voix de Ferré sert tantôt les textes de Rutebeuf, Caussimon, Ronsard, Aragon, Baudelaire, tantôt les siens. Parmi les perles méconnues, on retiendra la simplicité charmante de La Fortune qu’un Montand aurait pu chanter sans problème ou les accents jazzy de Dieu est nègre dont Claude Nougaro aurait également pu faire son miel.
- Le livret (16 pages) : Préface de Clémentine Deroudille, photos, sommaire détaillé
L’introduction de la journaliste et réalisatrice Clémentine Déroudille présente clairement les documents télévisuels et radiophoniques, même si l’abondance des dithyrambes -"immense interprète", "exceptionnel auteur-compositeur", " flamboyant artiste"- constitue des effets de langage dont on aurait pu se passer. Quelques clichés plutôt rares accompagnent le sommaire détaillé des deux DVD et du CD.
Les suppléments :
DVD 1 : Concert à Bobino (1970) 26 min.
Crinière blanche offerte aux feux de la rampe, Ferré interprète quelques-uns de ses plus grands succès : l’incontournable Avec le temps, la superbe adaptation du poème médiéval de Rutebeuf -Pauvre Rutebeuf- ou un des hymnes anarchistes Ni Dieu, Ni Maître. La réalisation, très sobre, s’attarde par des gros plans sur le visage expressif de Ferré, corps raide, vêtements sombres qui le fondent dans le décor. On aurait aimé un concert moins classique, surtout qu’à cette époque le chanteur vivait sa phase expérimentale avec le groupe Zoo.
DVD 2 : A bout portant (1971) 53 min. Réalisé par Roger Sciandra
Léo Ferré se laisse filmer au cours d’une tournée en Belgique. En coulisses, au restaurant, au volant ou en promenade, le chanteur assume son statut de poète, sans approfondir le propos, au-delà de certaines généralités qui définissent un rapport au monde. "So what ?", comme dirait l’autre.
Peu tendre avec les journalistes, mais volontiers enclin à s’auto-définir ("moi j’envoie toujours la couleur"), Ferré délivre des sentences qui se veulent définitives avec une sorte d’affectation qui peut irriter, surtout que ses phrases pythiques sont des pétards mouillés, niveau café du commerce : "On meurt de la connerie, il n’y a pas d’espoir. Il y a trop de cons", "Le peintre, c’est un tyran, vous vous rendez compte de ce qu’il fait avec sa boîte !". Peut-être que le défaut de Ferré est de se croire bien au-dessus de ces imbéciles qu’il pourfend, quand le regard modeste d’un Brassens en faisait un interlocuteur plus aimable. Restent les interprétations mémorables du chanteur et des morceaux qui peuplent encore notre mémoire.
L’image :
Les archives sont de qualité inégale. Les premières apparitions télévisuelles du chanteur, dans les années 50, souffrent d’images dégradées, à la définition très médiocre. La restauration tenait évidemment de la gageure. La période 68-87 s’appuie sur de meilleures sources, malgré certaines couleurs passées.
Le son :
Là encore, la qualité est inégale : si les enregistrements radio bénéficient d’une belle rondeur, les documents télévisuels sont handicapés par des prises de son problématiques. C’est en particulier le cas pour les entretiens avec Ferré. Il faut parfois tendre l’oreille !
Galerie photos
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