Le 26 septembre 2023
Un conte réjouissant sur les névroses contemporaines, dans le style froid et distancié désormais inhérent au cinéma de la réalisatrice.


- Réalisateur : Jessica Hausner
- Acteurs : Elsa Zylberstein , Mathieu Demy, Sidse Babett Knudsen, Mia Wasikowska , Amir El-Masry, Camilla Rutherford, Luke Barker
- Genre : Drame, Thriller, Teen movie
- Nationalité : Britannique, Français, Allemand, Autrichien
- Distributeur : Bac Films
- Durée : 1h50mn
- Date télé : 20 avril 2024 22:26
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Titre original : Club Zero
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 27 septembre 2023
- Festival : Festival de Cannes 2023

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Résumé : Miss Novak rejoint un lycée privé où elle initie un cours de nutrition avec un concept innovant, bousculant les habitudes alimentaires. Sans qu’elle éveille les soupçons des professeurs et des parents, certains élèves tombent sous son emprise et intègrent le cercle très fermé du mystérieux Club Zéro.
Critique : Réalisatrice autrichienne révélée à la Cinéfondation, Jessica Hausner avait ensuite été remarquée à Un Certain Regard avec Lovely Rita (2001) et surtout Amour fou (2014), drame en costumes épuré inspiré du suicide du poète Heinrich von Kleist. Entre-temps, Lourdes (2011) avait confirmé sa prédilection pour les récits étranges. À ce titre, Club Zéro est aussi dans le prolongement de Little Joe (2019) qui avait valu le prix d’interprétation féminine à Emily Beecham au Festival de Cannes 2019. Coproduction autrichienne, britannique, allemande, française et danoise, l’œuvre a été coécrite par la réalisatrice et sa scénariste Géraldine Bajard. Miss Novak (Mia Wasikowska) est recrutée dans un lycée privé huppé afin d’animer des ateliers de nutrition face à des élèves volontaires. Le contact s’établit très bien avec la directrice (Sidse Babett Knudsen) et les adolescents qui acceptent d’intégrer ses cours. Très vite, Miss Novak exerce un ascendant malsain sur les élèves, passant de conseils diététiques à une volonté de les faire adhérer à un mystérieux club d’adeptes d’un style de vie basé sur l’absence de nourriture. La manipulation exercée par l’enseignante va se faire au détriment de la santé mentale et physique des jeunes, qui vont de surcroît prendre leurs distances avec l’autorité parentale et le mode de vie qu’ils avaient l’habitude de mener. Le jeune danseur diabétique se met au régime et en oublie ses injections, quand son camarade boursier va s’affranchir des bonnes intentions culinaires de maman ; et les couples de bourgeois se montrent désemparés face leurs progénitures préférant la méditation à l’alimentation.
- © 2023 Coproduction Office / Fred Ambroisine. Tous droits réservés.
Le film est basé sur les souvenirs de lycée de la réalisatrice qui avait côtoyé à l’époque plusieurs jeunes filles anorexiques. Il brasse aussi plusieurs thèmes dans l’air du temps, comme l’urgence climatique, le bien-être animal et les dérives sectaires. L’œuvre est habile à incruster des événements absurdes dans le quotidien de ces jeunes et de leurs familles, oscillant entre l’étude de mœurs et le conte tragique, avec une pointe d’humour pince-sans-rire et de dérision : la mère incarnée par Elsa Zylberstein semble aussi dépassée par les événements que Madame Le Quesnoy dans La ville est un long fleuve tranquille... Marquée par Le Joueur de flûte de Hamelin et autres contes, la cinéaste tient à préciser : « Quand on s’inspire d’un conte de fée, on a une approche plus distanciée, un point de vue plus général : les détails psychologiques ou sociaux sont relégués à l’arrière-plan pour raconter une histoire plus universelle. Les personnages évoquent davantage des archétypes que des êtres humains. L’esthétique souligne la dimension universelle du récit : les décors, les costumes, les uniformes – nous ne savons pas précisément à quelle époque et dans quel endroit se déroule l’histoire. L’anglais a été utilisé comme langue universelle des internats et comme langage cinématographique universel ».
- © 2023 Coproduction Office / Fred Ambroisine. Tous droits réservés.
La réalisatrice est ici bien aidée par ses collaborateurs artistiques et techniques, dont le compositeur Markus Binder et la cheffe costumière Tanja Hausner. Le résultat est de bonne tenue, même si la froideur du dispositif casse un peu l’émotion et peut donner parfois l’impression de faire face à des personnages désincarnés. Club Zéro est par ailleurs original dans sa contribution au traitement de la nourriture au cinéma, et aurait sa place dans un cycle de projections concernant des longs métrages aussi divers que La grande bouffe ou La passion de Dodin Bouffant, également en compétition à Cannes 2023.
– Festival de Cannes 2023 : sélection officielle, en compétition