Lovely Rita - la critique du film

Critique : Rita fait la gueule, son père le lui dit à plusieurs reprises. Sa mère n’ajoute pas grand-chose. L’atmosphère familiale pesante, le poids des conventions et l’idée que les apparences contiennent difficilement la violence qui sourd, tout cela renvoie évidemment au cinéma de Michael Haneke dont la réalisatrice Jessica Hausner a été l’assistante. Du refus de l’éclairage psychologique jusqu’à la violence ultime, reléguée dans le hors-champ, la mise en scène doit sa dette au célèbre cinéaste autrichien. Peut-être trop, d’ailleurs, ce qui est le problème de certains premiers films, pétris d’admiration pour des figures tutélaires.
Toutefois, Hausner parvient à exprimer le malaise des protagonistes en quelques scènes mutiques, où la caméra zoome brutalement pour saisir une part de vérité sur le visage des personnages. Le procédé surprend, puis dérange par son caractère systématique. C’est évidemment volontaire. Le premier long métrage de Hausner n’est pas aimable, parce qu’il ne se satisfait pas des conventions propres aux films sur l’adolescence. La réalisation ne dramatise rien, exclut tout recours à des situations de crise. Rita n’est jamais à sa place, mais elle encaisse. Partout : chez elles, à l’école, sur scène où elle joue, si peu présente et si peu appréciée de ses camarades.
Certes, les rencontres furtives avec un jeune chauffeur de bus accrochent un peu de gaieté au coin des lèvres et des yeux, qu’un mascara vient souligner. Certes, les moments passés en compagnie d’un jeune ami que Rita prend sous son aile, jusqu’à vouloir l’emmener loin de tout, constituent à la fois une tangente et une échappatoire. Mais le feu couve. Lovely Rita est un film âpre, dont l’impitoyable dénouement n’est que la chronique d’un désastre annoncé. Et pourtant, même quand le malheur est advenu, la placide adolescente n’est pas sûre que la réalité reconfigurée par ses gestes ultimes soit la bonne. Quel que soit le degré de révolte qu’on lui oppose, un monde semble résister, increvable, irrémédiablement tragique.