Le 12 octobre 2020
Little Joe est, au-delà des apparences, un film anxiogène et plutôt bien écrit. Pour autant, le prix cannois de l’interprétation féminine paraît un peu excessif.
- Réalisateur : Jessica Hausner
- Acteurs : Kerry Fox, Ben Whishaw, David Wilmot, Phénix Brossard, Emily Beecham
- Genre : Drame fantastique
- Nationalité : Britannique, Allemand, Autrichien
- Distributeur : Bac Films
- Durée : 1h46mn
- Date télé : 12 octobre 2020 20:50
- Chaîne : Ciné+ Club
- Date de sortie : 13 novembre 2019
- Festival : Festival de Cannes 2019
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Résumé : Alice, mère célibataire, est une phytogénéticienne chevronnée qui travaille pour une société spécialisée dans le développement de nouvelles espèces de plantes. Elle a conçu une fleur très particulière, rouge vermillon, remarquable tant pour sa beauté que pour son intérêt thérapeutique. En effet, si on la conserve à la bonne température, si on la nourrit correctement et si on lui parle régulièrement, la plante rend son propriétaire heureux. Alice va enfreindre le règlement intérieur de sa société en offrant une de ces fleurs à son fils adolescent, Joe. Ensemble, ils vont la baptiser " Little Joe ". Mais, à mesure que la plante grandit, Alice est saisie de doutes quant à sa création : peut-être que cette plante n’est finalement pas aussi inoffensive que ne le suggère son petit nom.
Critique : Il faut avoir une imagination bien large, pour penser un récit machiavélique sur les ravages d’une fleur, dans l’inconscient du cerveau. S’agit-il d’une fable écologique ou d’un drame fantastique sur l’affirmation des individualismes, au détriment de l’empathie et du vivre ensemble ? La réponse est loin d’être évidente et pourtant, ce récit, décliné dans un contexte froid et aseptisé, n’est pas sans créer une véritable anxiété chez le spectateur.
- Copyright Film Institut
On imagine un scénario dans une époque contemporaine. La plupart des scènes se passent dans un laboratoire anglais glaçant, où des fleurs uniformes sont élevées dans la perspective de la Foire aux Fleurs. Parfois, la caméra dérive dans l’appartement cossu du personnage central de l’histoire, mais pour peu de temps. Toute l’intensité dramatique se joue dans cette entreprise rigide, glaciale, semblable au visage et à la coiffure de l’actrice principale, Emily Beecham, qui interprète une biologiste très douée, déterminée à répondre aux objectifs de son entreprise, qui promeut un instrument terrible de manipulation des consciences. A la base, le parfum qu’exhalent ces fleurs poursuit l’objectif de créer le bonheur. Mais on ne tarde pas à se rendre à l’évidence que la fabrication artificielle du bonheur rime nécessairement avec la normalisation des consciences.
"Little Joe" est le nom donné à ces fleurs. Le fils d’Alice s’appelle aussi Joe. L’analogie fonctionne très bien, jusqu’au moment où le personnage apporte au domicile une de ces plantes diaboliques. Le fils se transforme alors en un monstre de froideur. En fait, le film cultive avec intelligence les questions complexes liées à la connaissance, au pouvoir de la science et à l’éthique du capitalisme. L’angoisse monte parallèlement aux comportements des personnages, qui ne doutent pas un seul instant de la puissance manipulatrice du pollen craché par les fleurs. Little Joe questionne sans doute les risques liés à la recherche actuelle sur le transhumanisme qui a besoin, plus que jamais, d’un encadrement éthique des plus forts. On assiste, impuissant, dans ce récit terrifiant, à la victoire de la science et de l’argent, contre toute réflexion épistémologique. Le propos en ce sens est tout à fait passionnant. Pour autant, on aurait aimé un format plus court, pour limiter le risque de la compassion et de la dramatisation. A cela, s’ajoute une musique volontairement agaçante, qui renforce le caractère parfois exaspérant du scénario.
- Copyright Film Institut
L’interprétation empreinte de doutes et de froideur d’Emily Beecham ne suscite aucune perplexité. On se demande pourtant si elle méritait le prix de la meilleure actrice au dernier Festival de Cannes. Peut-être que le film trop long, trop démonstratif, fait de l’ombre à l’actrice, qui ne parvient pas toujours à créer chez le spectateur l’adhésion au drame existentiel qui s’abat sur l’humanité. En tout cas, on saluera un film profondément original, qui éclaire une nouvelle fois le destin tragique de notre société contemporaine.
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