Le 9 janvier 2019
Le deuxième et dernier album de Joy Division. Un sommet du rock dépressif qui influença d’innombrables artistes.
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Sortie : le 18 juillet 1980
Notre avis : On ne sait si, au moment d’enregistrer Closer en mars 1980, Ian Curtis avait définitivement l’idée d’en finir. Il se trouve qu’après son suicide le deuxième album de Joy Division sera reçu comme le testament d’un groupe qui venait à peine de naître, mais avait déjà marqué les esprits par un premier opus sous tension, dont l’atmosphère sombre augurait un changement d’époque. Finie l’énergie des Sex Pistols. Au diapason d’un contexte morose -crise économique et sociale, avènement du chomage de masse-, le rock opérait sa mue vers une introspection déprimée. Avec Closer, Joy Division assure définitivement la jonction entre le post-punk et la new wave, dans une progression implacable qui conduit du bien nommé Atrocity Exhibition à Decades, des guitares aux claviers, des années 70 aux années 80. Bien sûr, les plus morbides se jetteront sur les deux derniers morceaux pour y entendre la voix apaisée de Ian Curtis, crooner des catacombes, persuadé de sa propre fin, comme certain d’avoir atteint l’ataraxie.
A moins qu’il ne soit déjà passé de l’autre côté : c’est ce que suggèrent les paroles de Decades ("The sorrows we suffered and never were free/Les peines que nous avons endurées et qui n’ont jamais cessé/Where have they been ?/Où sont-elles passées ?). Plus Sinatra que jamais, les intonations de Ian Curtis se posent sur des nappes synthétiques qui seront la bande-son des eighties. Les contempteurs de Joy Division diront que ce versant dépressif figera pour des années le nouvel étalon de la qualité rock et que beaucoup s’engouffreront dans la brèche, en affectant les poses d’un romantisme noir et complaisant. C’est oublier que le groupe de Manchester n’a jamais abdiqué une forme d’énergie issue du punk -dans Colony, par exemple-, mais sous une forme plus anamorphosée, à base de distorsions instrumentales ou vocales. Lorsque les guitares du premier morceau crépitent comme des kalashnikovs, sur une musique martiale, lorsque la voix robotique de Curtis cherche son chemin sur le dansant Isolation, c’est tout le corps du chanteur qu’on imagine en branle, dans une lutte acharnée pour sa survie. On sait qu’atteint d’épilepsie, l’interprète parvenait à mimer des mouvements incontrôlés avec une précision clinique, à telle enseigne que lorsque les assauts de la maladie l’accablaient, l’effet d’une théâtralité paraissait en tous points impressionnant pour les spectateurs. C’est la même illusion qui saisit l’auditeur, parce que le deuxième album de Joy Division rend perceptible, par crises successives, l’inexorable chute d’un artiste. Jusqu’à son agonie.
Closer, [Joy Division] (Factory Records), 1980.
1. Atrocity Exhibition 6:06
2. Isolation 2:53
3. Passover 4:46
4. Colony 3:55
5. A Means to an End 4:07
6. Heart and Soul 5:51
7. Twenty Four Hours 4:26
8. The Eternal 6:07
9. Decades 6:10
Pochette : Martyn Atkins et Peter Saville ℗© 1980 (d’après une photo de Bernard Pierre Wolff)
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