Clean

Cosmo Vitelli est un peu la bête curieuse de la scène électro française : l’un de ses premiers titres, le collage électro-samba We Don’t Need No Smurf Here, est carrément sacré meilleur single de 1998 par le prestigieux hebdo anglais NME, mais la suite des aventures de Benjamin Boguet passe inaperçue en pleine explosion French touch. Pas assez de boucles filtrées, des titres pas glam pour un sou comme On veut faire de moi de la viande hachée ou Ne mangez plus les animaux, mangez les enfants ? En tous cas, voilà Cosmo Vitelli (du nom du personnage de Ben Gazzara dans Meurtre d’un bookmaker chinois de Cassavetes) catapulté intellectuel du genre, équivalent français d’Autechre ou d’Amon Tobin.

C’est pourtant avec un titre particulièrement immédiat, Party Day, remake à peu de choses près du Fade To Grey de Visage, que le Parisien se fraye un chemin vers le grand public début 2001. Synthétiseurs sortis tout droit des années 80 et clin d’oeil à la vague néo-romantique, ce single a ramené un peu d’autodérision dans une scène française perdue dans les poncifs disco. Si Clean avait suivi dans la foulée, comme prévu, les choses auraient été très simples pour Cosmo Vitelli. Mais la sortie de l’album a souffert de nombreux retards, et depuis les nouveaux venus (Ladytron, Fischerspooner, Playgroup ou Kylie Minogue - cherchez l’intrus) se sont bousculés pour profiter de cette veine pop new-wave.

Un malheureux concours de circonstances qui ne devrait pourtant pas être fatal à Clean. L’album comporte son quota réglementaire de titres destinés aux dancefloors avec Robot Soul, successeur un peu boursouflé de Party Day, et surtout Icons qui bénéficie de la présence de l’ex-Stardust Benjamin Diamond. Mais Cosmo Vitelli, vite à l’étroit dans les limites du revival 80’s, brille aussi en piochant avec érudition dans toutes les époques de l’électro : son baggy (Alias) ou hommage à Kraftwerk, influence majeure de l’album (People Should Think, Machines Should Work).

Un éclectisme qui est loin de tourner à vide grâce aux qualités d’écriture de Boguet. Pas près d’avoir épuisé ses munitions avec les singles, il consacre au contraire tous ses soins à des titres de la trempe de Perfect Lies, ballade ambient que The Orb n’aurait pas désavouée et sommet de l’album. Le spleen prend le dessus, comme tout au long des autres onze morceaux qui brodent sur le thème de la compétition homme/machines. Bel exercice d’anticipation, aux antipodes de l’hédonisme habituel de la house.