Le 28 août 2022
Chouette demande du lecteur un abandon des normes, l’acception du fantastique, du bizarre, du perturbé et du perturbant. Avec cette métaphore étrange, Claire Oshetsky se confie sur son quotidien de mère d’un enfant neuro-atypique.


- Auteur : Claire Oshetsky
- Editeur : Phébus
- Genre : Roman, Fantastique
- Nationalité : Américaine
- Traducteur : Karine Lalechère
- Date de sortie : 25 août 2022
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur

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Résumé : Roman fantaisiste aux allures de conte, Chouette utilise la métaphore de l’enfant sauvage, mi-humain, mi-rapace, pour parler de l’arrivée dans un couple d’un enfant différent, neuro-atypique. Comment devient-on mère et, plus largement, comment élève-t-on un enfant « indomptable » dans la société normative qui est la nôtre ? Les parents de la petite Chouette auront deux réactions opposées : alors que Tiny, la mère, encouragera sa fille-oiseau à vivre librement son animalité, le père, lui, poursuivra sa conviction : il faut que Chouette devienne « normale ».
Critique : Claire Oshetsky, mère d’une enfant dite « neuro-atypique », veut écrire sur ce vécu depuis longtemps et a trouvé sa voix en empruntant au fantastique, au conte noir et sinistre. Elle donne la parole à une femme à travers laquelle elle semble s’exprimer, extériorisant les souffrances passées, l’incompréhension, la mise au ban. Tiny est enceinte alors que s’ouvre le roman et les premières pages ont quelque chose de ridicule de prime abord, ridicule parce que différent, parce que dérangeant aussi sans doute. Puis cette étrange histoire, ces détails fantastiques prennent davantage de place, l’enfant-chouette naît et l’acception de la nature du livre se fait peu à peu, alors que la mère accepte quant à elle la nature de sa fille. Les hommes et les femmes-chiens qui entourent le duo central sont béotiens, des personnages types qui pourraient sortir d’un conte. Là où Chouette est intéressant, c’est dans son approche de la maternité, de la compréhension d’un enfant « a-normal », qui sort des normes établies et ne pourra y rentrer à moins de perdre son identité, son essence. Tiny le comprend vite là où son « mari », bientôt désigné comme « ton père » puisque la narratrice s’adresse à sa fille, s’acharne, incapable de voir l’évidence, de se résoudre à abandonner l’espoir d’un enfant semblable aux autres. Elle relate la mise à l’écart, la perte de toute vie sociale, l’effacement de soi au profit de l’enfant, ici un enfant-chouette qui ne parle pas mais piaille, qui ne pleure pas mais attaque, arrache des lambeaux de peau et blesse ceux qui l’entourent.
Se devine aussi, derrière les mots et le fantastique, derrière les parties de chasse nocturne et le sang versé, une réflexion éthique voire philosophique. Claire Oshetsky s’interroge, de loin, sur l’intelligence artificielle, sur l’importance d’être identique pour être assimilé quitte à devenir différent de soi-même, modifié par la technologie. L’écriture de l’autrice a quelque chose de puissant. Ses phrases, brèves, percutent – peu à peu, une fois le ridicule estompé –, la beauté imagée s’apercevant parfois derrière le macabre.
Chouette est donc un livre particulier, perturbé et perturbant, distordu parce que distordant le monde réel, mais cette approche permet à l’autrice d’aborder des sujets primordiaux, à peine camouflés derrière ce voile fantastique.
Claire Oshetsky - Chouette
Phébus
20.5 x 14 cm, 288p.
21 euros