L’avocat de la terreur
Le 11 juillet 2010
Cette version cinéma du projet-fleuve d’Olivier Assayas nous présente de façon volontairement parcellaire et condensée le parcours politico-médiatique d’une figure redoutable, entre génie stratégique et mégalomanie maladive.
- Réalisateur : Olivier Assayas
- Acteurs : Édgar Ramírez, Nicolas Briançon, Alexander Scheer, Nora von Waldstätten, Simon-Pierre Boireau
- Genre : Drame, Politique
- Nationalité : Français
- Distributeur : MK2 Distribution
- Titre original : 2h45mn
- Date de sortie : 7 juillet 2010
- Plus d'informations : Le site officiel du film
- Festival : Festival de Cannes 2010, Festival de Reims 2023
Résumé : Véritable mythe, Carlos est au cœur de l’histoire du terrorisme international des années 1970 et 1980, de l’activisme pro-palestinien à l’Armée rouge japonaise. A la fois figure de l’extrême gauche et mercenaire opportuniste à la solde des services secrets de puissances du Moyen-Orient, il a constitué sa propre organisation, basée de l’autre côté du rideau de fer, active durant les dernières années de la guerre froide. Le film est l’histoire d’un révolutionnaire internationaliste, manipulateur et manipulé, porté par les flux de l’histoire de son époque et de ses dérives. Nous le suivrons jusqu’au bout de son chemin, relégué au Soudan où la dictature islamiste, après l’avoir un temps couvert, l’a livré à la police française. Personnage contradictoire, aussi violent que l‘époque dont il est une incarnation, Carlos est aussi une énigme.
Critique : Carlos, ou le vertige à demi-contrôlé de la terreur. Le programme : esquisser, en un peu moins de trois heures, l’itinéraire - parfois fulgurant, souvent laborieux - d’un cerveau et d’un bras de la guérilla contemporaine ; une guérilla qui, malgré ses qualificatifs de « libératrice » ou de « révolutionnaire », apparaît déjà revenue et guérie des grandes utopies modernes. Olivier Assayas aborde son œuvre de généalogie du crime politique de la même manière qu’on dissèquerait les causes enchevêtrées d’un évènement : la tête froide, avec minutie et sens de la reconstitution, voire de la reconstruction. La longue séquence de la prise d’otages de Vienne, en particulier, nerf à vif du film, est stupéfiante moins par son caractère spectaculaire que par l’attaque progressive et insidieuse qu’elle porte sur l’endurance des personnages et des spectateurs ; tout se passe comme si, dans ce va-et-vient de tension et de détente, d’où aucune échappée ne semble possible, nous étions nous-mêmes enfermés dans le puzzle de la prise de décision et de la gestion (plutôt catastrophique) de crise. Cela n’est pas sans rappeler d’autres approches cinématographiques de l’extrême gauche radicale (pour les plus récentes, les derniers films de Koji Wakamatsu ou Steven Soderbergh) : le plus dur pour les fractions armées révolutionnaires, ce n’est pas tant l’action que sa durée et la nécessité de la porter de bout en bout, de la conception jusqu’aux dernières minutes où tout peut encore basculer pour le pire.
- © MK2 Diffusion
Et c’est sans doute là le grand atout du film : retourner le casse-tête temporel à plusieurs facettes (adapter pour un long-métrage « normal » un projet-fleuve beaucoup plus expansif ; restituer les étapes de la vie du terroriste, sans tomber dans le roman de formation...), jusqu’à obtenir un objet volontairement lacunaire, parcouru de failles d’espace et de temps qui donnent à Carlos un poids plus significatif que les longs discours. Elliptique, le parcours l’est nécessairement, parfois de manière brutale, mettant au jour les transformations physiques et psychologiques insoupçonnées du protagoniste, autant que sa rigidité d’homme buté sur un idéal (entre utopie réelle et gloire personnelle). Une haute voltige risquée, mais qui maintient son fil grâce à la fluidité du jeu d’Edgar Ramírez, tout en froideur et animalité, à l’image du « chacal » qu’il interprète. On pourra regretter des zones biographiques laissées un peu trop dans l’ombre - les dernières années de la vie en liberté, en particulier, sont montées avec davantage d’empressement que le reste du film -, ou quelques airs de polar noirci par les grenades qui planent là aussi trop rapidement sur certaines séquences, mais ce serait oublier que l’un des outils les plus délicats de ce type de travail, et qui par ailleurs reste employé avec brio tout le long de l’œuvre, est le coup de ciseau destiné à sélectionner des bribes cinématographiques de vie. Et à le manier ainsi, il se pourrait bien qu’Olivier Assayas, tout à fait consciemment, égratigne un peu de notre conscience au passage.
– Entretien avec Olivier Assayas ICI
– Entretien avec Edgar Ramirez ICI
- © MK2 Diffusion
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Norman06 11 juillet 2010
Carlos, le film - La critique
Le meilleur film, voire le seul bon film de Assayas, qui évite les pièges du biopic pour filmer un polar politique percutant. De séquences de bravoure (la prise d’otages à Vienne) resteront gravées dans les mémoires.