Le 21 juin 2024
Si les incises autobiographiques éclairent brillamment l’œuvre cinématographique d’Olivier Assayas, tout le reste n’est que bavardages inutiles de bobos privilégiés, réfugiés dans une magnifique maison de campagne pendant la pandémie, que même l’ironie du propos ne parvient pas à sauver.
- Réalisateur : Olivier Assayas
- Acteurs : Dominique Reymond, Maud Wyler, Vincent Macaigne, Micha Lescot, Nora Hamzawi, Nine D’Urso
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h45mn
- Date de sortie : 12 juin 2024
- Festival : Festival de Berlin 2024
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Résumé : Paul, réalisateur, et son frère Étienne, journaliste musical, sont confinés à la campagne dans la maison où ils ont grandi. Avec eux, Morgane et Carole, leurs nouvelles compagnes. Chaque pièce, chaque objet, les arbres du jardin, les sentiers parcourant les sous-bois leur rappellent les souvenirs de leur enfance, et leurs fantômes.
Critique : On a tous connus la pandémie, contraignant nombre de familles à vivre pendant plusieurs mois dans des espaces rétrécis à la limite du supportable. Ce n’est pas du tout le cas de ces deux couples, qui se réfugient dans une demeure familiale, dans le sud de l’Île-de-France , où les forêts avoisinantes facilitent les balades et les pique-niques conviviaux. Olivier Assayas, alias Paul, est pétri d’angoisses qu’il dépasse avec des références intellectuelles et artistiques sans limite, là où son frère, Michka Assayas, alias Étienne, journaliste musical chez France Inter, se gave de crêpes. Les deux homme sont accompagnés de leur compagne et on les regarde discuter d’art, de musique, de littérature, préparer des repas bio et gérer leurs relations fraternelles à peine digérées.
On pense évidemment à l’une des grande œuvres du cinéaste, L’heure d’été, qui traitait d’une famille, très bourgeoise, aux prises avec des questions d’héritage, à la veille de la mort de la grand-mère. Là où ce film montrait avec beaucoup de beauté les tiraillements familiaux qui se posent au moment du décès des aînés en matière de souvenirs, de règlements de compte et d’attachement aux maisons léguées, on se retrouve devant une œuvre vaine, agaçante, où des individus, non pas hors du temps, mais totalement hors de toute réalité sociale et culturelle, cèdent à la facilité de comportements terriblement agaçants et autocentrés. Bien sûr, il n’aura échappé à personne le point de vue ironique et décalé d’Olivier Assayas qui égratigne non sans un certain plaisir, sa propre classe sociale, mais de là à faire un film de presque deux heures, il y a un pas.
- Copyright Carole Bethuel
La lassitude emporte le spectateur dès le moment où le cinéaste s’écarte de sa propre trajectoire pour mettre en scène les comédiens. Ces conversations intellectuelles, couplées de commandes de casseroles par la voie postale et de leçons de cuisine, n’ont aucun intérêt. Il y a même quelque chose d’obscène dans ce déballage bourgeois d’états d’âme stériles, au point d’ailleurs que le personnage principal reconnaît lui-même le caractère improbable et vulgaire de sa situation sociale. Il ne s’agit pas de verser évidemment dans une colère gratuite contre ces personnes qui ont tout à fait leur place au cinéma, mais Olivier Assayas se perd dans une autofiction ambiguë où le spectateur ne mesure plus ce qui relève de la critique, de l’ironie grinçante et de la complaisance.
Le film donne vraiment l’impression d’un manque d’inspiration du réalisateur. On est très loin de la fulgurance d’Irma Vep, de Sils Maria et bien d’autres titres phares du cinéaste. Le long-métrage opte pour une non-fiction totale où seul la quotidien constitue la matière narrative du récit. Cela dit, de façon extrêmement intéressante, Olivier Assayas révèle par petites brides des souvenirs d’enfance qui témoignent de son entrée dans le cinéma et des moments où il a pu créer tel ou tel film. C’est finalement ce qui apporte à ce Hors du temps la motivation à rester tout au bout du long-métrage et à ne pas quitter la salle avant la fin.
- Copyright Carole Bethuel
Hors du temps met en scène quatre acteurs qui ne semblent absolument gênés par la vacuité du scénario. Ils s’adonnent à des mimiques vocales et corporelles, pour mieux ridiculiser ce petit univers protégé qui se délecte d’anxiétés existentielles et de conversations futiles. On parvient toutefois à laisser s’échapper quelques rires qui ne durent pas mais attestent de leur incontestable talent à interpréter ces personnages hors sol.
Mais voilà, Hors du temps s’affiche comme un film narcissique, dérangeant, qui n’a rien pour donner envie aux gens de débourser une somme certaine dans un cinéma. Que même le long-métrage ait été retenu par la sélection berlinoise est questionnant, tant Olivier Assayas, réalisateur confirmé, nous avait habitués à des œuvres denses, habiles et d’une grande intelligence.
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