Au pays du Soleil Rouge
Le 26 mai 2011
Ni fiction ni documentaire, un opus saisissant de Wakamatsu qui fait d’une période politique douloureuse dans la mémoire japonaise le noyau d’une expérience cinématographique intense et lancinante.
- Réalisateur : Koji Wakamatsu
- Acteurs : Maki Sakai, Arata, Akie Namiki
- Genre : Drame, Documentaire, Historique
- Nationalité : Japonais
- Editeur vidéo : Blaq Out
- Date de sortie : 6 mai 2009
- Plus d'informations : Le site officiel du film
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– Durée : 3h10mn
– Titre original : Jitsuroku rengô sekigun : Asama sansô e no michi
– Sortie DVD : le 17 novembre 2009
Ni fiction ni documentaire, un opus saisissant de Wakamatsu qui fait d’une période politique douloureuse dans la mémoire japonaise le noyau d’une expérience cinématographique intense et lancinante.
L’argument : Au début des années 1970 au Japon, au faite de la contestation étudiante et de la violente répression qui s’en suit, un groupuscule d’extrême-gauche prônant la lutte armée voit le jour : l’Armée Rouge Unifiée, avec à sa tête un commandement bicéphale assumé par l’impitoyable Tsuneo Mori et la vénéneuse Hiroko Nagata. Entrés dans la clandestinité, les membres de l’Armée Rouge Unifiée trouvent refuge dans la montagne où ils reçoivent un entraînement militaire pour devenir des révolutionnaires exemplaires. Mais au fil du temps, la discipline de fer se transforme lentement en régime de terreur...
Notre avis : Jeune, pure et dure ! Pendant plus d’une décennie à partir de la fin des années 1960, l’avant-garde révolutionnaire japonaise s’est illustrée sur le terrain de l’action directe, marquant au marteau (rouge) l’imaginaire national et même mondial, puisqu’elle sera responsable en 1972 de l’attentat de l’aéroport de Lod, en Israël, où vingt-six personnes trouvèrent la mort. Remonter en pure neutralité à la genèse, au noyau explosif de ces groupes qui n’hésiteront pas à faire le « grand bond en avant » dans la violence : United red army se présente comme le roman de formation d’une conscience politique hallucinée, à la fois électrisée et paralysée par ses échecs et ses moments d’amertume. Wakamatsu, en archiviste-arbitre de l’histoire, se pose dès les premières images en humble commentateur, énumérant dans une ouverture documentaire les grands traits du contexte qui ont pu pousser une frange de la contestation estudiantine à la radicalisation : renouvellement du Pacte de Sécurité entre Japon et Etats-Unis, participation active de Tokyo à la guerre du Vietnam via les stocks de napalm mis à disposition de l’armée américaine, augmentation des frais d’entrée à l’université... Imperceptiblement, la voix-off disparaît au moment où s’opère le basculement entre les barricades de la faculté et le camp d’entraînement militaire, la fierté des actions publiques et la clandestinité.
United red army est un long chemin de croix où chaque mot pèse sous le regard des autres protagonistes et celui du spectateur. La majeure partie de l’histoire se déroule dans le chalet de montagne où, sous le joug dément et rigoriste des deux leaders de l’Armée Rouge Unifiée, l’extrême-gauche radicale se purgera de douze de ses membres, avant une prise d’otage insensée en pleine nature. Plus violent que ne le laisse présager son aspect documentaire, plus réflexif que ne le veut son côté fictionnel, le film refuse les ellipses ou tout autre effet propre à faciliter à l’inconscient collectif le travail de « deuil » de ces années noires. Il s’agit au contraire de faire surgir une mémoire, fût-elle douloureuse et aiguisée à vif, par le rappel d’un enchevêtrement de circonstances et de personnalités qu’il n’est pas question de simplifier. A chaque purge, qui suit un processus irrévocable et terrifiant, la voix de Wakamatsu réapparaît, comme accompagnement funèbre et digne d’une jeunesse aux idéaux brisés. Ce qui choque, en effet, c’est l’engagement total d’une vie à peine entamée (les militants avaient de seize à vingt-huit ans) pour une cause dont les éclats les plus frappants s’expriment en termes de destruction. Le discours de société communiste et de progrès commun est peu à peu subverti par celui de « guerre d’extermination » contre la bourgeoisie, de pureté et d’ascèse personnelle, comme si l’important n’était plus la fureur de vivre, mais la pulsion de mort. Comme un anti-Douze hommes en colère qui aurait viré au cauchemar, United red army nous place au premier rang d’un théâtre de la cruauté viscéral, où nous assistons impuissants au déploiement de la terreur, tout en entendant le commentaire implicite de Wakamatsu : vous n’avez pas le droit de juger.
Le DVD
Bonne définition du mot « collector » pour cette édition DVD, qui va à l’essentiel tout en apportant un complément riche et parfaitement adapté au contenu du film.
Les suppléments
Outre les bandes-annonces, trois bonus audiovisuels chacun d’une grande qualité. L’entretien avec Koji Wakamatsu - un peu court - et le making-of non classique restituent très bien l’état d’esprit du film et de sa genèse. On y découvre avec stupeur (et un peu d’effroi...) que le tournage, s’il a certes été moins cruel, n’en a pas moins constitué pour les acteurs une expérience éprouvante à la hauteur du séjour de l’Armée Rouge Unifiée... Précieux également, l’entretien avec deux spécialistes français de l’extrême-gauche radicale, mis en regard avec certains extraits du film et d’une clarté irréprochable sur le contexte de lutte des années 1960 et 1970.
Image
Tourné en vidéo numérique, le film est d’une qualité technique souvent irréprochable, dont la copie restitue toute la texture un peu cotonneuse, notamment dans les scènes de nuit à l’intérieur du chalet. C’est en revanche un peu moins bien dans les bonus, où la lumière laisse la plupart du temps à désirer.
Son
Il faudra se contenter d’une qualité Dolby Stereo pour le film, correcte mais un peu pauvre ; point noir en revanche pour certains bonus, notamment l’entretien, où il faut vraiment se concentrer sur le contenu (par ailleurs très riche) pour comprendre aussi bien les questions inaudibles de l’intervieweur que les explications des invités, parasitées par les cris d’un bébé dans l’immeuble d’à-côté...
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