Retour en pompe
Le 28 février 2021
Un pamphlet anti-Trump qui ne fait pas dans la demi-mesure, et qui s’avère même franchement lourdingue. Heureusement, l’aspect polar, aux relents kitsch et burlesques, fonctionne bien, porté par un casting de choc.
- Réalisateur : Spike Lee
- Acteurs : Alec Baldwin, Topher Grace, Harry Belafonte, Jasper Pääkkönen, Adam Driver, John David Washington, Corey Hawkins, Laura Harrier, Ryan Eggold, Paul Walter Hauser
- Genre : Comédie, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Comédie policière
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Universal Pictures France
- Durée : 2h08mn
- Date télé : 4 septembre 2024 23:55
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Box-office : 1 302 019 entrées France / 480 542 entrées P.P. / 48 271 960 $ de recettes (USA)
- Date de sortie : 22 août 2018
- Festival : Festival de Cannes 2018
Résumé : L’histoire vraie de Ron Stallworth qui fut le premier officier de police afro-américain de Colorado Springs à s’être infiltré dans l’organisation du Ku Klux Klan. Étonnamment, l’inspecteur Stallworth et son partenaire Flip Zimmerman ont infiltré le KKK à son plus haut niveau afin d’empêcher le groupe de prendre le contrôle de la ville.
Critique : Il y a des come-back qu’on attend plus que d’autres. Celui de Spike Lee au 71e Festival de Cannes, quand bien même sa carrière semblait être au point mort depuis plus de quinze ans, avait de quoi susciter la curiosité. Allait-on retrouver le réalisateur fougueux qui irriguait le cinéma indépendant américain, dans les années 80 ? C’était en tout cas ce que pouvait laisser espérer le pitch de son BlacKkKlansman dont l’objectif était de lui permettre d’offrir une nouvelle représentation de la communauté afro-américaine, son ancien créneau, abandonné au profit de sujets plus mainstream dans les années 2000. Le réalisateur de l’engagé Malcolm X rend ici un hommage étonnant à un flic noir qui réussit l’exploit d’infiltrer le Ku Klux Klan dans les années 70.
- © Universal Pictures
Ce rôle principal a été offert à John David Washington, dont le père, Denzel Washington, fut justement l’un des acteurs fétiches du cinéaste, mais à présent trop vieux pour prêter ses traits à ce policier débutant. L’entreprise semble donc familiale et voudrait revenir aux sources du meilleur du cinéma de son auteur. Raison supplémentaire pour attendre un retour à la force de l’esprit politique qui semblait avoir été délaissé par le cinéaste new-yorkais.
Parmi les éléments nouveaux de son projet, la présence d’Adam Driver que, décidément, tout le monde s’arrache, de Star Wars au plus obscur des films indépendants. Il est partout, y compris en clôture du festival de Cannes, dans L’Homme qui tua Don Quichotte. En réalité, les deux acteurs, aux couleurs de peau différentes, vont jusqu’à jouer le même personnage. Une aberration a priori que le scénario saura intelligemment justifier et exploiter, le Spike Lee dernier cru n’étant pas totalement dénué de surprise.
- © Universal Pictures
La reconstitution des années 70, époque du kitsch, passionne l’auteur de Nola Darling. On y retrouve son goût pour les luttes pour les droits civiques que les années 60 n’avaient pas entièrement réglés. Cet activisme est incarné à l’écran par Laura Harrier, militante engagée dans sa relation amoureuse avec le personnage principal. Malheureusement, le réalisateur ne saura pas trop utiliser ce personnage qui demeure inconséquent dans le scénario. Il faut dire que le Spike Lee politique n’est ici pas forcément à la hauteur de ses ambitions d’historien, puisque de finesse, il n’en montre point, opposant Noirs et Blancs sur un schéma manichéen bien pauvre. Les ambiguïtés morales que traversait Malcolm X dans son biopic de 1992 ont disparu au profit d’une dichotomie entre Afro-américains, dont la haine est justifiée par des discours grossi au surligneur, et Blancs racistes foncièrement crétins.
Au milieu de cette lutte, le binôme de flics semble être parmi les rares à n’être animés d’aucune velléité raciale. Il faut admettre qu’ils ne sont d’ailleurs guère animés par grand-chose, tant leurs enjeux personnels sont faibles (le premier tombe amoureux, le second se souvient qu’il est juif, c’est à peu près tout).
Au thriller, donc, de sauver le professeur Spike Lee. Le suspense qui naît au cœur de ce contexte tendu marche dans les rails du film d’infiltration classique, à cette différence justement que Ron Stallworth est incarné par deux personnages, l’un chargé de converser par téléphone avec les pontes de « l’organisation » et l’autre, parce qu’il est blanc, d’aller à leur rencontre.
Le postulat peut paraître idiot (pourquoi le Blanc ne répond-t-il pas au téléphone ?!) mais il donne lieu à de nombreux échanges surréalistes entre David Duke, le Grand Sorcier du Ku Klux Klan, et cet officier afro-américain obligé d’adhérer à ses propos haineux. En parallèle, toutes les scènes dans lesquelles le personnage d’Adam Driver se fait passer pour un redneck raciste afin de sympathiser avec d’autres membres du clan, sont autant de performances qui permettent de rendre indiscutable la qualité de jeu de l’acteur. Leurs échanges font montre d’une mentalité rétrograde chez ces individus qui vivent encore au temps des Jim Crow Laws, voire du siècle passé où l’esclavage était toujours en vigueur.
Parfois, on les entend utiliser un effet de langage depuis recyclé par Donald Trump : « Make America great again » et « America first », pour ne citer que les plus connus. On saisit alors clairement les intentions du cinéaste engagé. Mais était-il alors nécessaire de les asséner avec cette insistance qui rime avec redondance ? Quid de la conclusion du film par des images du principal intéressé en train de dédouaner les membres du KKK. Le message visant les suprématistes blancs de l’ère Trump était suffisamment évident.
- © Universal Pictures
Reste le film de genre. Malgré cette lourdeur dans le discours, Spike Lee réussit à mettre au point un polar à la construction fluide et sans temps mort, qui fonctionne bien, et ce malgré un climax manquant d’un réel suspense.
Sur la forme, le film aurait gagné à assumer son héritage de la blaxploitation qu’il cite pourtant à de nombreuses reprises. Il n’en reste pas moins que l’ensemble assure un humour cinglant, propre à ce sous-genre des années 70, dans sa représentation caricaturale des membres du KKK. Lee réussit à maintenir un délicat équilibre entre la gravité de la dénonciation et la légèreté de son écriture se voulant divertissante, dans la veine d’une comédie des frères Coen. C’est dans cet entre-deux astucieux que l’on retrouve un peu du Spike Lee que l’on aimait autrefois, et sans doute la justification de sa présence dans la Sélection Officielle cannoise, qui pourrait rapporter gros au duo d’acteurs.
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FafanLeFanu 9 juillet 2018
BlacKkKlansman (J’ai infiltré le Ku Klux Klan) - Spike Lee - critique
Je n’ai pas encore vu le film. En lisant votre critique je suis surpris de lire que l’humour et le message politique n’y soit pas plus fin. Personnellement je trouve les sketchs que Jordan Peele fait avec Keegan-Michael Key plutôt subtils.
Avez vous des détails quant à l’implication de Jordan Peele en tant que producteur ? Le film a t-il subi des réécritures (4 scénaristes ça semble beaucoup) ?
Julien Dugois 12 juillet 2018
BlacKkKlansman (J’ai infiltré le Ku Klux Klan) - Spike Lee - critique
Bonjour Fanfan,
Je n’ai plus d’information sur les étapes d’écriture ni sur la part des producteurs dans celle-ci. Je ne peux pas vous en dire plus.
ceciloule 3 septembre 2018
BlacKkKlansman (J’ai infiltré le Ku Klux Klan) - Spike Lee - critique
Eh bien, je ne suis pas d’accord !
Oui, le film est militant et l’assume, oui il met en scène des blaireaux racistes du KKK mais non, il ne caricature pas et ne fait pas dans le mélo (en tout cas, pas de mon point de vue).
Le jeu des acteurs est brillant (sur ce point, nous tombons d’accord), l’humour est au rendez-vous, tout comme l’action, le suspense et l’amour. Ce film est un hommage à Ron Stallworth (le vrai) et permet de dénoncer des faits d’actualité en montrant que, en 50 ans, les choses n’ont pas tant changé que ça. America First, dixit Donald Trump mais aussi dixit le fameux David Duke du KKK... Ce n’est pas si inutile que ça que de montrer, à la fin du film, une conférence de presse de ce cher président défendant les suprémacistes blancs ayant provoqué des émeutes à Charlottesville l’été dernier. Cela permet de boucler la boucle et d’insister sur la haine misanthropique qui subsiste aux États-Unis (pour en savoir plus : https://pamolico.wordpress.com/2018/09/03/un-film-marquant-par-son-militantisme-et-son-humour-blackkklansman-spike-lee/)
camyl 28 février 2021
BlacKkKlansman (J’ai infiltré le Ku Klux Klan) - Spike Lee - critique
"Dans la demie mesure"..il y a t’il des finesses ou des ambiguïtés qui m’échappent dans le discours des racistes , supremasistes(?) Plein de finesse par contre qd Spike lee connu pour son militantisme montre les limites d’ouverture d’esprit chez l’activiste Dumas il y a de la nuance. Le réalisateur appelle une réflexion sur les communautés en général, supremacistes racistes, étudiants corporate, "poulets" solidaire..sauf que certaines "communautés " sont justes abjectes et difficile d’être "dans la demie mesure"..les images d’archives de 2017 ne sont pas redondantes : point de caricature, c’est un fait et pendant 4 ans, comme c’est glissé ironiquement dans le film...il y a bien eu un supremasiste aux commandes "qui avait les codes nucléaire "
camyl 28 février 2021
BlacKkKlansman (J’ai infiltré le Ku Klux Klan) - Spike Lee - critique
je suis la rédactrice de ce texte que j’ai tapé sans trop de visibilité sur mon smartphone, il y a des fautes d’orthographe et je m’en excuse j’espère que cela n’amoindri pas mon propos.