Le 28 juillet 2021
Spike Lee signe un film magistral sur un quartier-monde qui bascule dans la violence.
- Réalisateur : Spike Lee
- Acteurs : Samuel L. Jackson, John Turturro, Danny Aiello, Ruby Dee, Bill Nunn, Rick Aiello
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Universal Pictures France, Splendor Films
- Durée : 2h00mn
- Date télé : 11 mai 2020 22:45
- Chaîne : Arte
- Reprise: 15 août 2018
- Date de sortie : 14 juin 1989
- Festival : Festival de Cannes 1989
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Résumé : A Brooklyn, au croisement de deux quartiers, c’est littéralement le jour le plus chaud de l’année. Cette chaleur estivale va bientôt cristalliser les tensions raciales entre Noirs et Blancs. Mookie, un jeune afro-américain, travaille comme livreur de pizzas pour les Italos-américains Sal et Pino. Tout au long de la journée, alors qu’il livre le voisinage, il va se retrouver au centre de l’action, croisant toute une galerie de personnages : un handicapé vendant des photos de Martin Luther King ; Radio Borjo, un voyou se baladant avec sa radio sur le bras ; l’animateur d’une station radio locale ou encore un vieux chef de quartier alcoolique dont l’unique conseil est "fais la chose juste". Une dispute entre Sal et Radio Borjo tourne bientôt en émeute...
Critique : Do the right thing fait partie du meilleur de l’œuvre, peut-être même en est-il la plus belle expression. S’appuyant sur un impeccable scénario qui brasse un grand nombre de personnages parfaitement dessinés et retrouve les trois unités de la tragédie, Le cinéaste excelle à créer une atmosphère moite : on insiste beaucoup dans les dialogues sur la chaleur, mais cette chaleur se ressent presque physiquement tant elle imprègne les corps et les esprits.
- Copyright Splendor Films
La première séquence montre une jeune fille qui danse avec hargne, et que le montage transforme tout à coup en boxeuse : tout est déjà présent : cette violence inattendue et pourtant prévisible, annoncée par les multiples micro-conflits qui touchent tous les personnages, mais aussi par des plans débullés, des visages déformés en grand angle ou des contre-plongées. Pendant un temps, la violence est désamorcée : des incidents surviennent et se dénouent (une « Jordan » écrasée, une auto arrosée), mais la tension est là, persistante et poisseuse. Ou plutôt les tensions, tant chaque personnage porte en lui des disputes virtuelles ou exprimées : tensions raciales, haines recuites, discussions sans fin. Spike Lee excelle à croquer des caractères, définis en quelques plans et tous identifiables : certaines figures, comme le vieux Mayor, ont un rôle de spectateur ou de commentateur ; c’est lui qui très tôt prononce la phrase qui donne son titre au film (« Always do the right thing »), qui prend évidemment un sens ironique par la suite.
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La principale difficulté, habilement résolue par le cinéaste, est de donner une cohérence à cette œuvre chorale qui brasse tant de personnages mais aussi d’influences ; car les références abondent : elles concernent le cinéma (du « love/hate » issu de La Nuit du chasseur aux adresses modernes à la caméra, avec ce travelling avant qui aboutit à un visage proférant des insultes), mais aussi la société de son temps. Lee y enregistre un monde qui change, peuplé d’égocentriques en tension, inaptes à l’empathie ; les idéaux y sont inexistants ou réduits à des photos dérisoires (un « mur de célébrités » dont les Noirs sont absents) et les discussions tournent en rond, maintes fois ressassées. À l’image du vendeur d’images, c’est tout un univers qui bégaie et ratiocine sans fin : le langage ne sert plus à se comprendre mais à se provoquer indéfiniment. Il ne peut donc contenir la violence latente et ne fait que l’exacerber. Certes, pour équilibrer le film, Lee propose des moments calmes (la douche sous la borne-fontaine, la vente de glaces) mais ils sont rares et ne représentent que de faibles respirations dans un ensemble excessivement tendu.
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En toute logique, cette violence contenue finit par éclater, aboutissement prévisible d’une série de faits qu’un destin transforme en engrenage ; le prétexte en est mince et les conséquences démesurées. Rien ne peut alors s’opposer à l’embrasement et à la destruction : même « Mother sister », qui apparaît au début comme une sage, participe à l’émeute et l’encourage. Et dans cette société que Lee regarde avec un pessimisme sans faille, les institutions ne jouent plus leur rôle : le « maire » est un ivrogne, la police tue, les pompiers utilisent leur lance pour disperser la foule plutôt que d’éteindre l’incendie. Et le matin suivant, dans les ruines encore fumantes, la même chaleur, le même discours radiophonique, les mêmes disputes : tout est prêt pour recommencer. Les deux citations finales, contradictoires, posent et élargissent le problème de la violence, donnant une résonance particulière à cette histoire « exemplaire ».
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