L’été indé #8 - çà et là, l’éditeur indé de la bande dessinée étrangère

Depuis sa fondation, çà et là s’est construit sur une spécificité : l’édition d’auteurs étrangers. Un choix délibéré de son fondateur, qui fait de çà et là l’unique éditeur indépendant à ne proposer que de la bande dessinée étrangère. Une véritable invitation à la découverte d’autres traditions en bande dessinée. Les titres publiés s’inscrivent généralement dans ce qu’il est convenu d’appeler une « bande dessinée du réel », qu’il s’agisse d’autobiographies (Formose, American Splendor, etc), de reportages (Dans l’ombre de la peur, Fudafudak, L’ère de l’égoïsme) ou de fictions ancrées dans la réalité. Cependant, le catalogue s’ouvre à de nouveaux genres, à l’image de l’excellent La famille Fun, satire virulente et acide contre le conformisme américain contemporain, ou de Pompéi, qui nous transporte dans l’Antiquité.
Chez çà et là, pas de collections. On revendique l’unicité de chaque livre ; en conséquence, le catalogue propose des ouvrages aux formats très divers. L’éditeur a une conception artisanale du livre, et cela se ressent dans la qualité matérielle des ouvrages publiés. çà et là a d’abord édité des auteurs déjà publiés dans leur pays d’origine mais se situe désormais, pour certains projets, en amont du travail éditorial, comme cela a été le cas pour Freedom Hospital de Hamid Sulaiman.
De nombreuses nationalités sont représentées dans un catalogue qui s’enrichit régulièrement, avec plusieurs lignes de force. çà et là a en particulier participé à la découverte en France d’auteurs scandinaves (notamment Anneli Furmark, Henrik Lange, Hilding Sandgren). On compte également bon nombre d’auteurs anglo-saxons (Harvey Pekar, Derf Backderf, Brook Glastone, Benjamin Frisch, Eddie Campbell, Andi Watson, etc). çà et là édite également des auteurs venus d’horizons où la tradition de bande dessinée est moins établie (ou assez méconnue en France, c’est selon) : figurent ainsi dans le catalogue le Syrien Hamid Sulaiman, l’Iranien Mana Neyestani ou encore la Taïwanaise Li-Chin Lin.

Auteurs & ouvrages à ne pas manquer !

Les lecteurs avides de sortir des sentiers battus ont tout intérêt à se plonger dans le catalogue de çà et là, d’autant plus que celui-ci est riche de plusieurs pépites qu’il serait dommage de manquer. Tour d’horizon, forcément incomplet.

Planche d’American Splendor, où Harvey Pekar disserte avec lui-même - ©çà et là

Couverture du premier volume de l’anthologie American Splendor - ©çà et là

Titre culte de la bande dessinée underground américaine, l’inclassable autobiographie American Splendor plonge le lecteur dans le quotidien grisonnant de Cleveland où vit d’Harvey Pekar, personnage complexe, dépressif et passionné de jazz. Les plus grands noms de l’underground américain (Crumb, Shelton, Dumm, Budgett, etc) se sont succédés pour dessiner la vie de Pekar et donner vie à ce qui fut longtemps un fanzine auto-édité. Çà et là propose une anthologie en trois volumes, ainsi que Cleveland, qui retrace notamment l’histoire de sa ville.

Couverture de Talc de verre - ©çà et là

Les ouvrages du brésilien Marcello Quintanilha - que ce soit Tungstène ou Talc de verre - sont particulièrement remarquables. Tungstene est un polar au rythme millimétré, qui nous plonge dans Salvador de Bahia pour brosser un portrait sans concession du Brésil contemporain. Quintanilha a reçu le Fauve d’or du Polar SNCF 2016 pour cet ouvrage. Talc de verre est un thriller psychologique qui se concentre sur la déchéance progressive de Rosangelina, une femme en réussite et bien sous tous rapports, mais qui devient de plus en plus obnubilée par sa cousine, une femme pauvre et peu en réussite, mais qui parvient à faire front avec une tranquillité confondante. Avec ces deux récits, Quintanilha s’impose comme un raconteur d’histoires de grand talent, avec le Brésil comme toile de fond.

Couverture de Une métamorphose iranienne, de Mana Neyestani. Le cafard poursuit l’auteur, lui-même poursuivi pour un dessin de cafard qui s’exprime en azéri, minorité opprimée en Iran - ©çà et là

Mana Neyestani nous fait quant à lui découvrir l’Iran et son propre exil à travers des bandes dessinées différentes mais toutes réussies. Né à Téhéran, Neyestani a subi l’emprisonnement et a été contraint de fuir son pays en raison de dessins jugés trop politiques. Son travail est considéré par beaucoup d’Iraniens en exil comme une figure de l’opposition au régime issu de la Révolution islamique de 1979. Dans Une métamorphose iranienne, il raconte son emprisonnement et son exil, quand Petit manuel pour un parfait réfugié politique revient entre autres sur les difficultés administratives pour obtenir le statut de réfugié politique en France, et nous tend un miroir dans un livre à l’humour acéré. Son dernier ouvrage, l’Araignée de Mashhad, revient sur un fait divers iranien glaçant : dans la deuxième ville d’Iran, un tueur en série assassine des prostituées. Si l’homme finit par être incarcéré, ses motivations sont inquiétantes, puisque celui-ci prétend se conformer aux prescriptions de l’islam… Un auteur à découvrir sans tarder pour quiconque est intéressé par l’Iran et ses problèmes contemporains.

Calendrier éditorial de la rentrée

Éditeur dynamique, çà et là a un calendrier de rentrée plutôt chargé, avec des nouveautés qui s’annoncent prometteuses.

Strip issu de Soudain l’univers prend fin, qui sortira en septembre chez çà et là. Plusieurs strips sont d’ores et déjà disponibles en ligne (voir plus bas) - ©çà et là

En septembre paraîtra Soudain l’univers prend fin, série de strips du canadien Dakota McFadzean, jeune dessinateur canadien. Çà et là publiera en deux volumes l’intégralité de sa production entre 2011 et 2013, qui alterne entre histoire surréalistes et récits plus introspectifs avec, d’après l’éditeur, un sens du rythme toujours bien senti et des effets allant du gore à la poésie. De nombreux strips sont disponibles sur ce blog.

Couverture de Films Graphique - ©çà et là

C’est également en septembre que sera disponible Filmo Graphique de l’écossais Edward Ross, qui mêle en un même livre les deux passions de l’auteur : le cinéma et la bande dessinée. Son ouvrage retrace en effet toute l’histoire du cinéma depuis le XIXe siècle avec des analyses de films et des citations d’auteurs, érigeant ainsi son panthéon personnel du cinéma. Il en profite également pour redessiner des scènes cultes du 7e art.

Planche extraite de l’Athénée, la prochaine bande dessinée de Marcello Quintanilha - ©çà et là

Le prochain ouvrage de Marcello Quintanilha, particulièrement attendu, sortira en octobre 2017. Il s’intitule Athénée, du nom d’un pensionnat brésilien particulièrement réputé. On y suit la vie de Sergio, pensionnaire de l’Athénée, dirigé d’une main de fer par son directeur qui n’hésite pas à châtier violemment les mauvais élèves. Un récit en partie autobiographique.

Couverture de Alors que j’essayais d’être quelqu’un de bien, de Ulli Lust - ©çà et là

Enfin, la nouvelle bande dessinée de la talentueuse auteure autrichienne Ulli Lust, Alors que j’essayais d’être quelqu’un de bien, sortira au mois de novembre. Cet ouvrage autobiographique, qui se situe à Vienne en 1989, fait suite à Trop n’est pas Assez, paru en 2011.

Pour plus d’informations sur cet éditeur, nous vous conseillons vivement le blog de çà et là, régulièrement mis à jour.