Le 19 septembre 2017
Au sein d’une communauté ultra-religieuse, une fiction moins saisissante que son approche documentaire dont le réalisateur semble mieux maîtriser le format.
- Réalisateur : Joshua Z. Weinstein
- Acteurs : Menashe Lustig, Ruben Niborski, Yoel Weisshaus , Meyer Schwartz
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Dulac Distribution
- Durée : 1h21mn
- Titre original : Menashe
- Date de sortie : 25 octobre 2017
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Résumé : Borough Park, quartier juif ultra-orthodoxe de Brooklyn. Menashé, modeste employé d’une épicerie, tente de joindre les deux bouts et se bat pour la garde de son jeune fils Ruben. En effet, comme il a perdu sa femme, la tradition hassidique lui interdit de l’élever seul. Mais le Grand Rabbin lui accorde de passer une semaine avec son fils ; l’ultime occasion pour Menashé de prouver qu’il peut être père dans le respect des règles de sa communauté.
Notre avis : Rares sont les films de fiction qui se permettent d’avoir pour titre le nom de leur acteur principal. C’est le cas de Brooklyn Yiddish puisque Menashe est à la fois son titre original et le prénom du personnage principal, lui-même directement inspiré par celui qui l’incarne, Menashe Lustig. Son scénario est donc une recette proche de celle du documentaire biographique. Ceci n’a rien d’étonnant au vu de l’expérience de son auteur, Joshua Z Weinstein, connu comme directeur de la photographie sur de nombreux documentaires. Il semble justement que ce soit justement avec son regard de documentariste qu’il ait abordé son film sur la communauté hassidique de New York, alors que celui-ci est pourtant une fiction.
Etant lui-même juif mais n’appartenant pas à la minorité ultra-orthodoxe de Borough Park, Weinstein s’est semble t-il montré fasciné par le mode de vie de ses habitants et c’est par pure curiosité anthropologique qu’il a décidé de la filmer. Cependant, sans scénario préétabli, l’histoire sur laquelle il s’est finalement concentré est la reconstitution de celle de l’interprète sur qui il a jeté son dévolu. Il faut admettre que Menashe Lustig a pour lui son physique imposant, faisant de lui un gros nounours au demeurant fort sympathique. De plus, son récit touche un sujet universel, et donc dépasse de très loin le seul microcosme hassidique, puisqu’il s’agit ni plus ni moins de l’amour paternel. Un choix de postulat parfaitement pertinent donc, mais encore fallait-il en faire une intrigue éloquente.
- (c) Shtick Film, LLC
Malgré la bonhomie qu’il dégage, Menashe Lustig est très loin d’être un acteur émérite qui sache exprimer un vaste panel d’émotions dans son jeu. Il semble même, par moments, assez mal à l’aise. Ce n’est en fin de compte que parce que le film lui fait revivre certains de ses souvenirs les plus douloureux que l’authenticité de la démarche parvient à rendre touchante cette interprétation maladroite. A défaut, il faut se contenter de ses éclats de voix lors des quelques scènes de beuverie pour profiter pleinement de son capital sympathie.
Aucun des personnages secondaires, pas même le jeune Ruben, ne se révèle suffisamment développé pour rattraper un tel manque à gagner émotionnel. Une preuve que Joshua Z Weinstein ne maîtrise pas les ficelles de l’écriture pour bâtir un mélodrame efficace au-delà de son seul sujet. Ce que cet expert du documentaire connaît bien, en revanche, et qu’il n’hésite pas à mettre en pratique, c’est l’art de poser sa caméra pour observer discrètement des individus. C’est exactement avec ce dispositif qu’il observe Menashe, et en particulier dans les scènes en extérieur où il est toujours à distance mais en longue focale (et avec une inévitable mise au point vacillante), ce qui revoie le spectateur à son statut de simple observateur.
- Copyright Sophie Dulac
L’autre effet de cette mise en scène concentrée sur un personnage est le peu de soin apporté aux décors, permettant une situation géographique assez incertaine, à un point tel que, sans le titre (français cette fois), le spectateur pourrait ne pas savoir clairement dans quelle ville a été tournée cette histoire. Brooklyn Yiddish entre en cela dans une certaine tradition du cinéma communautariste américain consistant à présenter une minorité en vase clos. Un sous-genre dont la quintessence est sans doute Les Affranchis où la minorité italo-américaine apparaissait comme un monde à part au cœur d’une ville - New-York, une fois de plus - dont on ne voyait pas grand chose d’autre. Ici, l’entre-soi dans lequel a été fait le tournage dépasse le seul critère religieux, puisqu’on y croise aussi peu de personnages secondaires latinos que féminins. En effet, les femmes semblent être les grandes absentes de cette micro-société ultra-conservatrice qui, pourtant, apparaît comme obnubilée par la présence maternelle dans l’épanouissement des enfants.
Un tel paradoxe sur la place de la femme est symptomatique de la misogynie qui transpire de ce docu-fiction. Ce malaise est le fruit de l’apparente difficulté qu’a eue, sans doute par manque d’expérience en termes de fiction, Joshua Z Weinstein de s’extirper des codes très stricts de la communauté hassidique qu’il désirait filmer. En résulte un film qui observe minutieusement des comportements mais sans parvenir à susciter d’émotions autrement que par le biais, efficace mais très superficiel, de quelques notes d’une musique folklorique. Et, quand bien même on parvient à être ému par le drame intime qu’a traversé Menashe, il s’agit de l’acteur davantage que du personnage. L’argument « fiction » n’était vraisemblablement qu’une condition pour le voir apparaître à l’écran, mais cet arrangement est loin d’avoir joué en faveur du spectateur. Dommage.
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