Le 1er juillet 2014
Deux films qui proposent une même expérimentation fascinante et s’offrent comme un manifeste poétique.
- Réalisateur : Bertrand Mandico
- Acteurs : Elina Löwensohn, Thierry Benoiton, Jacques Malnou
- Genre : Fantastique, Court métrage
- Nationalité : Français
- Durée : 56mn
- Date de sortie : 2 juillet 2014
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Deux films qui proposent une même expérimentation fascinante et s’offrent comme un manifeste poétique.
L’argument : De sa conception épique à sa mort cinématographique, le portrait fantasmé et fictif du cinéaste Walerian Borowczyk (dit Boro). Boro in the box découvre un monde cruel et obscène, traverse des aventures sensitives et organiques, de la Pologne à Paris, au coeur d’un abécédaire fantasmagorique.
Notre avis : C’est un univers visuel des plus stimulants qu’installe et explore, dans ces deux films, le réalisateur Bertrand Mandico. Aux frontières de l’art vidéo et de l’autofiction fantaisiste, Boro in the Box relate l’histoire d’un cinéaste imaginaire éperdument amoureux de son art et dont la carrière, retracée en voix off, se teinte d’une réflexion mélancolique sur l’abandon et l’impossible oubli du passé. Le personnage-narrateur, qui s’exprime à travers la voix d’Elina Lowen, est une sorte de monstre fantaisiste, créature marginale et somnambulique née dans une boîte dont elle est captive et à travers laquelle elle découvre le monde. L’évocation de sa naissance et de ses années d’apprentissage, intrinsèquement liées à l’exercice du regard, se double d’une réflexion sur l’origine, l’exil, la faute, de sorte que ce conte revêt l’allure singulièrement désenchantée et macabre des premiers films de Tim Burton, auxquels on songe à plusieurs reprises. Living still Life, plus dense et plus réflexif, propose également une méditation sur la création visuelle : cette fois c’est une cinéaste (incarnée par E. Lowen elle-même) qui entreprend de redonner vie aux êtres morts qu’elle rencontre au gré de ses errances dans un paysage désolé. A l’inverse de Boro, où la légèreté des premières séquences vacille peu à peu pour laisser place à l’étrange, c’est ici à la fin des différents chapitres qui rythment l’oeuvre qu’advient la merveille (Boro pour sa part est structuré comme un abécédaire). A travers ces variations sur un même motif et ces récurrences structurelles (tendance au chapitrage, nature désolée mais féconde, personnages communs) on appréciera toute la cohérence du travail filmique mené par Mandico, qui invente un univers iconoclaste et décline une réflexion émouvante sur l’art de filmer.
Art de filmer qui est aussi un art de voir et un appel aux sens : ainsi le personnage de Boro, caméraman-né qu’engendre une rencontre malheureuse, se trouve enclin à d’étranges obsessions visuelles - voir les éblouissantes scènes charnelles, qui déplacent nos attentes et subliment les regards. Dans Living still Life la reproduction d’images revêt également un caractère obsessionnel, où le fantastique affleure - avec parfois un soupçon d’horreur : on pourrait se croire tout proche du Barbe-Bleue d’Edward Dmytryk - mais pour mieux laisser place au merveilleux et à l’enchantement. En cela Mandico apparaît comme un réinventeur des lieux communs et se pose en digne héritier du Surréalisme, dont il prolonge à maints égards l’imaginaire tortueux, l’érotisme cruel et l’exploration des espaces du quotidien. Eloge en somme d’une autre manière de voir, tournée vers le dépassement sensuel et déprise des exigences d’un réalisme fade. Aux antipodes de l’impératif du "fait vrai", Mandico cultive et assume les infidélités au réel mais pour mieux en exhiber la beauté violente et la tortueuse poésie. Aussi pourra-t-on voir en ces deux métrages un manifeste poétique audacieux. On appréciera du reste les performances vocales et physiques d’Elina Lowen, muse inspirée que n’aurait pas reniée Breton et qui donne corps à cet univers oxymorique, à la fois sublime et charnel, où se confond l’éternelle mélancolie des mots et des choses.
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