Le 6 décembre 2023
Baroque, fantasmagorique et follement inventif, le nouveau film de Bertrand Mandico surprend à bien des égards.


- Réalisateur : Bertrand Mandico
- Acteurs : Elina Löwensohn, Françoise Brion, Christa Théret, Agata Buzek, Claire Duburcq, Julia Riedler
- Genre : Drame, Fantastique, Action, Drame fantastique
- Nationalité : Français, Belge, Luxembourgeois
- Distributeur : UFO Distribution
- Durée : 1h45mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
- Date de sortie : 29 novembre 2023
- Festival : Festival de Cannes 2023

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Résumé : Parcourant les abîmes, le chien des enfers Rainer raconte les six vies de Conann, perpétuellement mise à mort par son propre avenir, à travers les époques, les mythes et les âges. Depuis son enfance, esclave de Sanja et de sa horde barbare, jusqu’à son accession aux sommets de la cruauté aux portes de notre monde.
LIRE NOTRE INTERVIEW DE BERTRAND MANDICO
Critique : Bertrand Mandico est un réalisateur inclassable. En général, les avis sont tranchés : on aime ou on n’aime pas ces univers complexes, très esthétisants, perdus entre théâtralité, opéra baroque, érotisme et réalisation fantastique. Conann n’échappe pas à ces qualificatifs, précipitant le spectateur dans un monde exclusivement féminin, où le destin barbare et psychopathe du célèbre héros de fiction est habité par des personnages de tout âge, toute couleur de peau et toute sexualité. La violence constitue toutefois le trait principal de toutes ces femmes qui à travers le récit de leurs existences hybrides, font l’apprentissage du crime et de la terreur.
- Copyright UFO Distribution
Conann peut troubler les premières séquences avec ce quasi unique personnage masculin dans les traits d’un homme avec une tête de chien et l’arrivée aux portes de la mort d’une héroïne vieillissante, prête à arracher à Conann le trône de la cruauté. S’ensuit alors le destin de six femmes, depuis les quinze ans jusque l’aube de la vie, dans des mythes revisités à l’aune de la modernité. Bertrand Mandico ne lésine sur aucun effet de style. Il laisse libre court à une imagination débridée, qui ne plie devant aucune censure. La violence est souvent figurée dans des éclaboussements rouges de sang, des reconstitutions d’images de crime, plus proches d’une peinture que d’un film d’épouvante. Les amours homosexuelles s’invitent dans ce généreux conte qui oscille en permanence entre la vie, la mort, et la renaissance dans des corps ou des esprits toujours plus complexes.
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Conann est peut-être un long-métrage avec des ambitions féministes. En même temps, le propos dénonce les ambitions démesurées qui ne se soucient ni d’éthique, ni de morale, quels que soient les sexes invoqués. La barbarie du monde contemporain est servie sur un plateau conçu de décors sinueux, de lumières fascinantes, oscillant entre la couleur et le noir et blanc. Mandico se plaît à perdre son spectateur dans des figures de Conann qui surgissent en permanence dans le corps d’un nouveau personnage, après qu’il ait été tué. Il y a dans ce projet une allégorie de l’universalisme et de l’infini de l’existence, pourtant mis à l’index par l’aveuglement de l’humanité en matière de guerres, de capitalisme sans limite, de pollution, d’urbanisation à outrance et de discrimination. Toute la misère du monde est contenue dans ce récit follement baroque, aussi venimeux qu’envoûtant.
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La sensualité, l’ambiance tout droit sortie de la culture pop sont autant d’attributs d’un univers décalé et fascinant qui donne la part belle à des comédiennes prêtes à tous les excès. Son dernier long-métrage After Blue (Paradis Sale) nous avait déjà conquis. Mandico en rajoute dans l’outrance, la poésie contemporaine, déplaçant et bousculant tous les repères du cinéma.