Le 1er avril 2018
LaCraps présente une mixtape aux allures d’album à part entière, symbolique du soin accordé à chacun de ses projets. La qualité est au rendez-vous, mais le rappeur frôle parfois la redite.
- Durée : 48mn
- Date de sortie : 23 mars 2018
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Notre avis : Depuis l’excellent Les Preuves du Temps, on sait LaCraps obsédé par la cohabitation entre le rap "à l’ancienne" et le rap "moderne" (gros guillemets là-dessus) qui peuvent sembler si éloignés en terme de style et de mentalité. Pourtant, en poussant le concept encore un peu plus loin, le rappeur montpelliérain offre avec BoomBap 2.0 l’un des meilleurs contre-arguments à ce chauvinisme touchant le rap, œuvrant à moderniser un hip-hop aux bases old school sans perte d’identité. Épaulé par les instrus du polyvalent Nizi, le MC, récemment vu dans Le Cercle de Sofiane, revient le temps d’une mixtape vers une formule plus épurée mais tout autant saisissante, puisqu’elle repose quasi-entièrement sur des skills de kick. Même si LaCraps ne s’éloigne jamais vraiment de ses tentatives mélodiques avec un autotune bel et bien présent, ce BoomBap 2.0 se ressent comme un projet dédié à la pratique du freestyle, de ceux qui permettent de prouver sa lourdeur technique et son écriture. A travers les ouvertures vers de nouveaux horizons, cette mixtape revient paradoxalement à la source de la discographie de l’artiste, lorsqu’il sortait Machine à Ecrire et 21 Grammes. Du premier on retrouve cette convivialité et énergie dans les featurings (Où ça Mène aurait parfaitement eu sa place dans Machine à Ecrire) et du second on retrouve cette alchimie parfaite entre un rappeur et son producteur, ici Nizi, autrefois Mani Deiz pour 21 Grammes.
- Copyright : Joana Calás
Mais ce rapprochement pourrait s’opérer jusque dans les textes de LaCraps, et c’est ici qu’il commence à dévoiler ses failles. Comme il le disait dans Les Preuves du Temps, Rien n’a Changé, ni dans sa mentalité, ni dans ses écrits, ni dans ses thèmes - ce qui en soit n’est pas pour déplaire - seulement le montpelliérain peine à se renouveler avec les mêmes cartes en mains. Son désir d’apporter des critiques sur la société perdure, mais au final les rimes, leur construction, le jeu des syllabes, rappellent trop le contenu de ses projets précédents, ce dont le rappeur ne se cache pas dans 1000 Ratures. Le constat s’établit d’autant plus amèrement que LaCraps gagne en polyvalence mélodique à chaque nouveau projet et son écriture basée sur les multisyllabiques et les assonances continue de sonner très percutant à l’oreille. Son flow se perfectionne, son aisance aussi, mais pour cracher peu ou prou les mêmes rimes. Cette tendance peut néanmoins s’expliquer assez logiquement ici par le fait que BoomBap 2.0 n’est pas un album mais bien une mixtape, ce que l’extrême cohérence du projet laisse oublier le temps de l’écoute. Car ce projet, même en ne considérant pas son Intronizi et son Outronizi encadrant le tracklist, ressemble bien à un album, longuement mijoté et réfléchi, assaisonné d’un mixage présent pour relever la force de la collaboration entre LaCraps et Nizi, ainsi que la portée des écrits du rappeur.
- Copyright : Y a Rien Nadir
Le producteur et le rappeur se comprennent tellement bien que BoomBap 2.0 n’est ni plus ni moins qu’une fusion complète des deux, une consubstantialité entre la voix, les rimes et la prod. La tonalité de l’instru dicte celle du rap (ou inversement, tout dépend du processus de création), ce qui en fait une mixtape peu surprenante, mais redoutable d’efficacité, des patates hargneuses (Par le Bas, T’as Pas Cliqué, Oublié, et les trois quarts de l’album en fait) aux quelques accalmies plus posées (A la Craie, Mi Amor). Toujours une qualité appréciable chez LaCraps, l’envie de rapper sec se justifie par des textes portés sur des sujets sensibles et autres aberrations de notre monde, et ce dès le premier morceau rappé, L’Enfer c’est..., combinaison énervée de dénonciations sociétales et d’égotrip loin d’être injustifié. Son flow, de plus en plus incisif, concorde toujours avec cette forme d’écriture tranchante, qui ne passe pas par quatre chemins pour pointer du doigt les travers qui affectent notre monde, que ce soit dans les quartiers ou non. LaCraps balance cash, et bien que sur BoomBap 2.0 le propos soit volatile, il persévère dans cette direction de grand frère, proche des quartiers, loin de l’industrie (à laquelle il fait de réguliers doigts d’honneur par son attitude et sa stratégie musicale). Le rappeur se retrouve donc à même de pouvoir faire grandir son public, par une forme attrayante susceptible de plaire au grand nombre, une imagerie street accrocheuse - et paradoxale, « Des fois j’me dis que j’engraine les p’tits vu que j’ai tout le temps un spliff aux lèvres » de Mes Larmes résume bien cette posture contrastée - tout en alimentant une branche du rap explicitement engagée.
- Copyright : Joana Calás
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