Le 29 janvier 2022
Dans ce roman aux saveurs enfouies, à la douceur cachée derrière la douleur, Dima Abdallah rend hommage à l’ambivalence de la vie et à son Liban natal – suave amertume.
- Auteur : Dima Abdallah
- Editeur : Sabine Wespieser
- Genre : Roman
- Nationalité : Libanaise
- Date de sortie : 6 janvier 2022
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : Pendant des années, l’auteur de cet intense monologue est parvenu à tenir en laisse ses souvenirs. Tétanisé à l’idée d’affronter le monde extérieur, il vit cloîtré dans son appartement, jusqu’à la mort d’Alma, la seule femme qu’il ait aimée. Il sort enfin de chez lui, décidant de vivre dans la rue après avoir jeté ses clefs dans une bouche d’égout. Désormais, il erre autour du Père-Lachaise, change d’emplacement tous les soirs, cherchant à conjurer les violentes réminiscences qui malgré tout le hantent.
Critique : La poésie des mots de Dima Abdallah se déploie une nouvelle fois après Mauvaises herbes, lentement, alors que les pages se tournent, alors que le narrateur perd le fil, envahi par ses souvenirs qu’il aimerait brûler, n’en déplaise à Marcel. Accablé par une perte, encore une, celle de trop, il quitte cet appartement dont il ne pouvait partir, dévoré par ses TOC et ses rituels, ses incantations inutiles et ses cauchemars à l’âcreté médicamenteuse. Il choisit la rue pour son air frais, pour son bitume et pour son prosaïsme, loin des odeurs et des couleurs qui le hantent. Si, avec le drame humain qui se joue aujourd’hui dans nos villes, cette décision a des accents obscènes, les chapitres qui suivent apaisent toute réticence, toute rebuffade du lecteur.
Le froid de l’hiver est contré par la chaleur d’un sourire timide, d’une baguette, d’un café au lait, par l’odeur de rose et de jasmin qui se devine derrière celle des vapeurs d’échappement. La douceur et la douleur dansent un ballet funèbre dans la tête du narrateur qui ne s’en échappe que le temps d’un poème, de quelques mots faisant écho à ceux des grands auteurs d’hier, miroir de leurs peines. L’apaisement provoqué par le changement ne dure pas, les filaments de souvenirs forment de nouveau, peu à peu, une brume tenace et empoisonnée qui piège le protagoniste, recouvre son monde retrouvé d’une couverture bleu nuit, de la même nuance que celle du ciel juste avant l’aube. Les rencontres qu’il ne manque jamais avec les femmes frôlant son existence, l’illuminant brièvement, fissurent peu à peu les murs qu’il a érigés autour de son passé et celui-ci s’infiltre, insidieux, dans son présent, le torture à coup de réminiscences sibyllines brouillant les nuages de pollution, amollissant la dureté du béton glacé. Le Liban, l’exil, s’esquissent derrière des saveurs qui remontent de l’enfance, des effluves sentis de nouveau.
Les souffrances qui tourmentent le héros sont les nôtres, le temps de ces deux cents pages, de cette mélopée envoûtante dont il n’est pas possible de s’extraire, deuil impossible, remèdes improbables. Certaines rencontres ne s’expliquent pas, certains livres percutent, touchent, font comme un coup au cœur. Bleu nuit en fait partie.
232 pages - 20 €
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