Le 19 avril 2023
Le premier roman de Raphaël Haroche est un récit initiatique consistant, qui parvient à éviter l’écueil du pathos.


- Auteur : Raphaël Haroche
- Collection : Blanche
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 12 janvier 2023
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur

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Résumé : « Le zombie, bien sûr, c’est mon Nicolas qui se tient au centre du cercle de la cour du rocher, à genoux, courbé, rachitique, sa colonne dessinant un z, tordue comme le dos flagellé d’un martyr, semblant servir de paratonnerre à l’orage qui tarde à venir, à la colère de l’internat, sa république d’enfants cruels. Mon Nicolas avec sa morphologie bizarre, dérangeante, exposée aux yeux de tous, créature qu’on pensait éteinte, disparue dans les forêts de Lituanie et de Pologne avec les golems et les dibbouks. » Automne 1989. Après l’accident de voiture qui a coûté la vie à sa mère, un collégien en perte de repères intègre avec son petit frère un pensionnat pour familles riches, perché sur les flancs d’une montagne. Plus rien ne sera comme avant. Entre éclairs de tendresse et débordements de cruauté, ce roman singulier et mélancolique est une chronique bouleversante de l’adolescence.
Critique : La jeunesse à deux visages, fracturée par un deuil intime. C’est le propos du premier roman de Raphaël Haroche qui, sans totalement régénérer le récit d’apprentissage, ni la documentation factuelle du malaise adolescent façon Salinger, évite l’écueil du pathos en choisissant la concision. Léonard et son jeune frère, traumatisés par la mort accidentelle de leur mère, délaissés par leur père, poursuivent leurs études en Suisse, dans un pensionnat pour riches. Cet environnement ne leur offre pourtant pas de radieuses perspectives, parce qu’aucun des protagonistes ne se projette au-delà d’une scolarité forcée, encore meurtris par les effets du drame qui, régulièrement, les divise sur une certain vision de l’existence.
A partir de cette relation complexe, parfois dure, le texte construit une opposition plutôt manichéenne où le sensible Nicolas, souffre-douleur d’une communauté, jeune pianiste surdoué, cherche et trouve de temps en temps l’affection du faussement cynique Léonard, adolescent lucide et sans espoir, grandi trop vite, pour reprendre une expression consacrée. Son intelligence le rend même capable de duper -un peu trop facilement- sa thérapeute vers laquelle l’a dirigé le directeur de l’établissement. Souvent, le narrateur confesse ses fantasmes sexuels ou tord le réel à la mesure de ses désirs virils, projetés sur des images. Un combat de Mike Tyson lui en offre la possibilité, comme à ses camarades. Car l’histoire subit aussi les effets d’une époque à la consistance analogique : nous sommes en 1989, le mur de Berlin s’apprête à tomber et cette transition bouillonnante vient percuter l’itinéraire erratique des deux personnages.
L’éveil des sens, la rencontre d’une jeune fille extravertie, les virées en bagnole qui incluent la consommation de substances illicites, nous entraînent dans des territoires bien connus du récit d’apprentissage. Mais ces invariants n’empêchent pas qu’une émotion affleure au fil de ces moments vécus, jusqu’à l’apparition d’une bouleversante photographie, qui fait bifurquer l’histoire vers des zones plus obscures, à la lisière du fantastique. Après deux recueils de nouvelles prometteurs, Raphaêl Haroche confirme qu’il est un auteur à suivre.
224 pages, 140 x 205 mm
Collection Blanche - Gallimard
18,50 €