Le 3 mars 2021
Le phénix Gainsbourg renaît de ses cendres, à l’orée des années 80. Sur fond de scandale national, il se paie le luxe d’un très bon album reggae et de la présence des I-Three.
- Chanteur : Serge Gainsbourg
- Compositeur : Serge Gainsbourg
- Genre : Reggae
- Label : Philips
- Date de sortie : 13 mars 1979
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Critique : En 1979, Serge Gainsbourg est plus le compagnon de Jane Birkin que la star sulfureuse dont la présence sincèrement ou faussement éthylique fera trembler certains plateaux télé, la décennie suivante. L’homme à la tête de chou sort d’une période esthétiquement féconde, qui l’a vu produire plusieurs albums concepts salués par la critique, mais globalement boudés par le public. Finalement, l’histoire des années 60 se répète et l’artiste va amorcer le même virage commercial : les sixties l’avaient converti à la musique pop, alors qu’il venait d’une tradition de la chanson rive gauche, version Vian. 1979 sera l’année reggae, mais aussi l’année du grand retour : comme Gainsbourg ne fait pas les choses à moitié, tout le disque est enregistré dans la Mecque du reggae, à Kingston, et notre gloire nationale s’offre le luxe d’une collaboration avec les mythiques Sly Dunbar et Robbie Shakespeare, ainsi qu’avec les choristes de Bob Marley -rien de moins- les formidables I-Three. On ne sait si tout ce beau monde avait eu vent des lyrics de l’album, avant de s’atteler à la tâche : en tout cas, on y reconnaît les obsessions de Gainsbourg, entre érotisme sulfureux et auto-dénigration élégante, façon Oscar Wilde. Bien sûr, l’énorme reprise de la Marseillaise et son scandale afférent constituent le geste dadaïste de cette œuvre et surtout un magnifique coup publicitaire que n’aurait pas renié un Jacques Séguéla. Le chanteur semble escamoter le refrain d’une manière désinvolte. Pourtant, l’achat du manuscrit original de la chanson -par Gainsbourg himself !-, confirmera l’emploi de ce fameux "et caetera".
Surtout, cette reprise confère à ce chant patriotique sa dimension subversive originelle : c’est en tout cas ce que notre provocateur dira, poing levé, sur scène, devant des paras venus pour en découdre et soudain figés comme des soldats de plomb par les premières mesures du morceau.
Si cette bombe musicale a éclipsé le reste de l’album, c’est bien dommage, parce que l’écriture de Gainsbourg fait mouche à plusieurs reprises, soit pour évoquer sa chienne défunte (Des laids, des laids), soit pour retrouver par le biais d’une prosodie particulière, à base de labiales explosives, une rythmique qui s’accorde tout à fait avec la cadence chaloupée du reggae (Brigade des stups). La grande intelligence de l’artiste est d’avoir infléchi son écriture pour la rendre compatible avec un genre musical : de ce point de vue, le palimpseste de La Javanaise, sous une forme plus elliptique, permet une fusion tout à fait intéressante entre paroles et musiques, sur un tempo en 2/2/5. Bien sûr, quelques facilités viennent assombrir la perception de l’ensemble : on pense en particulier à la chanson régressive Eau et gaz à tous les étages qui anticipe, d’une certaine façon, le récit aérophagique publié un an plus tard, Evguénie Sokolov. Mais dans l’ensemble, Aux armes et caetera est une réussite indéniable qui, au-delà du scandale de sa chanson titre, permet véritablement à Gainsbourg de se relancer.
Aux armes et caetera, [Serge Gainsbourg] (Philips), 1979.
Toutes les chansons sont écrites et composées par Serge Gainsbourg, sauf mention contraire.
1. Javanaise Remake 3:05
2. Aux armes et cætera (Rouget de l’Isle) 3:05
3. Les locataires 2:09
4. Des laids des laids 2:36
5. Brigade des stups 1:57
6. Vieille Canaille Sam Theard (en), Jacques Plante (adaptation) 3:02
7. Lola Rastaquouère 3:40
8. Relax Baby Be Cool 2:30
9. Daisy Temple 3:53
10. Eau et gaz à tous les étages 0:37
11. Pas long feu 2:33
12. Marilou Reggae Dub 3:48
Lord Snowdon ℗© 1979 Under exclusive license to Philips, publication Phonogram.
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