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Le 27 août 2003
Le jour de ses vingt ans, c’est un beau jour pour mourir. Cela confère comme une aura de poète maudit...
Le jour de ses vingt ans, c’est un beau jour pour mourir, un beau jour pour mettre un terme à sa vie. Cela confère comme une aura de poète maudit...
Le jour de ses vingt ans, c’est un beau jour pour mourir, un beau jour pour mettre un terme à sa vie. Ça vous a un petit air de poète maudit, d’homme maître de son destin qui aurait compris qu’il est préférable de s’arrêter là et tire sa révérence d’un geste magistral, à peine désespéré. Pourtant, ce n’est pas tout à fait ce qui motive Marc Flanders à mettre de l’ordre dans sa courte vie pendant les vingt-quatre heures que dure ce 13 mai 1984, le jour de ses vingt ans justement.
S’il rumine son suicide depuis des mois, c’est parce qu’il se croit victime d’une malédiction. Son oncle a été écrasé par un camion pendant son service militaire en Allemagne, un matin de février 1966 ; il venait d’avoir vingt ans. Marc a à peine deux ans lors de ce tragique accident sur lequel la famille fait peser un silence assourdissant ; et pourtant, cette disparition hante le petit garçon, qui, devenu adolescent, découvre, par une série de recherche dans des registres d’état civil, que depuis six générations, un membre masculin de la famille Flanders meurt accidentellement à vingt ans. Fils unique, Marc est persuadé qu’il est le prochain sur la liste. Alors, plutôt que de se complaire dans sa "trouille infernale" et d’imaginer sa mort (se faire renverser par une voiture, se trouver dans une banque un jour de braquage, dans un avion le jour d’un crash. "A moins que je ne m’écroule sans prévenir dans mon assiette de soupe, comme ce pauvre Daudet"), il préfère décider lui-même se mettre fin à son existence, afin d’accomplir librement son destin.
Tous ces éléments, le lecteur les apprend au cours de vingt-quatre chapitres où alternent un récit à la troisième personne des quelques moments-clés des présumées dernières heures de Marc Flanders, et la narration, cette fois-ci à la première personne, des vingt années qui l’ont conduit à ce jour fatidique. Pompeusement nommées "Méditations d’un renégat", ces confessions dessinent un personnage dramatiquement tourmenté et consciencieusement muré dans l’obsession morbide d’une mort prochaine inéluctable, tandis que les autres chapitres, ponctués par l’apparition de personnages divers (sa petite amie, ses parents, un vieil ami, une voisine) complètent le portrait de Marc Flanders : un jeune homme devenu caractériel à force de supporter seul son lourd secret, aussi sarcastique que cynique, et prêt à tracer un trait sur ces gens aimants pour accomplir l’acte censé le délivrer de la malédiction.
Si l’écriture de Philippe Ségur est parfois un peu trop appliquée, elle permet néanmoins d’éviter toute compassion pour ce héros qui finit par devenir agaçant à force d’arrogance. Pourtant, la tension créée par le rapide écoulement des vingt-quatre heures donne l’impression au lecteur de tenir la vie de Marc Flanders entre ses mains. Et l’on se surprend à vouloir aller frapper à sa porte et lui dire, sans hausser le ton, sans insister pour ne pas le froisser, que vouloir être maître de son destin en se donnant la mort, c’est courageux, mais que prouver sa liberté en se fondant sur une superstition, fût-elle troublante de vraisemblance, c’est un non-sens. Seulement voilà, si le destin existe, s’encombrera-t-il d’un non-sens ?
Philippe Ségur, Autoportrait à l’ouvre-boîte, Buchet-Chastel, 2003, 174 pages, 14 €
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