Le 17 juin 2014
Une fantaisie de Robert Guédiguian, où le cinéaste retrouve les lieux marseillais qu’il affectionne et son fidèle petit monde. Une comédie sympathique et loufoque qui se regarde avec un certain plaisir.
- Réalisateur : Robert Guédiguian
- Acteurs : Jean-Pierre Darroussin, Ariane Ascaride, Judith Magre, Gérard Meylan, Adrien Jolivet, Youssouf Djaoro, Anaïs Demoustier, Jacques Boudet, Lola Naymark
- Genre : Comédie
- Nationalité : Français
- Durée : 1h32min
- Date de sortie : 18 juin 2014
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Une fantaisie de Robert Guédiguian, où le cinéaste retrouve les lieux marseillais qu’il affectionne et son fidèle petit monde. Une comédie sympathique et loufoque qui se regarde avec un certain plaisir.
L’argument : C’est le jour de son anniversaire et Ariane est plus seule que jamais dans sa jolie maison. Les bougies sont allumées sur le gâteau. Mais les invités se sont excusés… Ils ne viendront pas.
Alors elle prend sa jolie voiture et quitte sa jolie banlieue pour se perdre dans la grande ville…
©Diaphana
Notre avis : Pour son dix-neuvième long métrage, Robert Guédiguian nous propose avec Au fil d’Ariane une fantaisie que le cinéaste revendique comme une sorte d’« impromptu » dans sa carrière. Une ode aussi à sa fidèle « muse », Ariane Ascaride, et à ses amis de trente ans, Jacques Boudet, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, qui avec lui constituaient déjà le « club des cinq » de Marius et Jeannette (1997). Sans oublier les petits nouveaux, Anaïs Demoustier et Adrien Jolivet, qui ont rejoint la famille lors des Neiges du Kilimandjaro (2011), et le dernier grand invité : le comédien tchadien Youssouf Djaoro.
Tout démarre allègrement dans Au fil d’Ariane, à grand renfort de musique classique : un univers glacé tout en images de synthèse, où s’allongent de grands immeubles lisses et blancs, et que sillonnent des personnages fantomatiques. Puis, brusquement, nous voilà plongés dans une atmosphère beaucoup plus chaleureuse : celle de la cuisine d’Ariane. Cette dernière confectionne fébrilement un somptueux gâteau qui regorge de crème et de chocolat. Sur le gâteau achevé, elle plante une grosse poignée de bougies : c’est son anniversaire. Pendant ce temps, les livreurs de fleurs se succèdent, sa fille téléphone pour annoncer qu’elle ne viendra pas, puis son mari pour dire qu’il est retenu ailleurs… De défection en défection, le petit monde d’Ariane semble s’écrouler.
©Diaphana
Mais c’est mal la connaître. Pas question de se laisser abattre. Elle bondit dans sa petite voiture et fonce vers le pont levant de Martigues… et s’y retrouve coincée. La situation n’en est que plus plaisante. Et ceci grâce à tous ces jeunes gens qui, au lieu de s’impatienter et de pester stupidement, préfèrent brancher à fond leur autoradio et s’adonner à des danses aux rythmes endiablés et orientaux. Après le dépit, la gaieté… Et Ariane de se lancer dans d’imaginaires nouvelles aventures pour une virée dans son « pays des merveilles ». Ainsi elle n’hésite pas à se laisser embarquer par un jeunot (Adrien Jolivet) : rabatteur de clients pour un restaurant, il la conduit sur sa Vespa jusqu’à une calanque perdue, où un patron truculent (Gérard Meylan) tient un bistro-restaurant de bord de mer, le café L’Olympique. Là elle retrouve une nouvelle famille peuplée de paumés et loufoques en tous genres. Il y a Jack (Jacques Boudet), l’éternel philosophe, sorte de pique-assiette tchékhovien, qui nous gratifie de son baragouinage américano-marseillais ; Martial, le Camerounais (Youssouf Djaoro), en proie au mal du pays, et que le patron paye « un peu » comme gardien, même s’il ne garde rien – et ceci après trente ans passés au Muséum d’histoire naturelle ; et puis… il y a la tortue qui parle… uniquement à Ariane, avec la voix magnifiquement éraillée de Judith Magre. Et pourquoi pas ?, comme aurait dit Robert Desnos à propos de sa « fourmi de dix-huit mètres avec un chapeau sur la tête ». Sans oublier le couple de cuisiniers asiatiques qui apportent un grain supplémentaire d’exotisme à ce menu marseillais. Le temps d’un aller-retour tout aussi rocambolesque avec un chauffeur de taxi (Jean-Pierre Darroussin), mélomane farfelu et aux quarante chats, Ariane revient vers L’Olympique pour se rendre utile et clamer à tous ceux qui veulent bien l’entendre : « Je peux vous aider. »
©Diaphana
De toutes ces tribulations on retiendra quelques moments particulièrement savoureux. Notamment la séquence où Ariane fait le service parmi une assemblée de touristes du troisième âge en goguette. On les voit ainsi reprendre en chœur : « Ma môme, elle joue pas les starlettes / Elle met pas des lunettes / De soleil / Elle pose pas pour les magazines / Elle travaille à l’usine / À Créteil » – la chanson de Jean Ferrat, auquel le patron voue une admiration sans bornes. Au point que Jean Ferrat apparaît comme la guest star du film, puisqu’on l’entend constamment…
Dans Au fil d’Ariane, Robert Guédiguian multiplie les « références-révérences » littéraires – de Tchekhov, pour la célébration de la beauté, à Sartre et à ses Morts sans sépulture – ou cinématographiques : le film fourmille de clins d’œil, à Fellini et à sa Dolce Vita dont il reconstitue à sa manière la scène de la fontaine de Trevi, à Pier Paolo Pasolini lors de la procession sur l’île du Frioul qui rappelle celle de L’Évangile selon saint Matthieu, et bien sûr à Godard pour Vivre sa vie, où Ferrat chantait pour la première fois Ma môme.
Au fil d’Ariane est un film que l’on regarde avec un certain plaisir, même si la séquence de fin où Ariane chante, pour la seule et unique fois, Comme on fait son lit, on se couche de Bertolt Brecht et Kurt Weill, dans le théâtre antique de Frioul, est un peu longuette. La sortie du rêve est également sans grande surprise.
Il est clair que Robert Guédiguian et son coscénariste Serge Valetti n’ont pas eu d’autre ambition que de distraire intelligemment à travers une fantaisie, une comédie débridée alliant fantastique et nonsense, où il suffit de se laisser dériver au gré du courant d’une histoire où nous retrouvons les lieux qu’affectionne le cinéaste : de la voie rapide qui surplombe les ports jusqu’aux îles arides du Frioul en passant par l’Estaque… Pas de réalisme social, pas d’idéologie dans Au fil d’Ariane. Le cinéaste assume parfaitement la candeur, l’innocence et même une certaine naïveté des propos et des situations d’un film qu’il a voulu « léger ». C’est ici un peu La fête aux copains, chantée par Jean Ferrat en 1963, que nous offre de partager Robert Guédiguian. Pour cela, ses acteurs fétiches sont toujours au rendez-vous. Ils n’hésitent pas à donner une dimension plus clownesque ou d’inspiration commedia dell’arte à leurs personnages. Mais sans méchants ! Que des gentils ! Ici, en effet, on ne retrouve ni Polichinelle, ni Pantalon… Les « petits jeunes », Anaïs Demoustier et Adrien Jolivet, sont épatants de naturel. Quant à Youssouf Djaoro, qu’on avait remarqué dans le film Un homme qui crie de Mahamat Saleh Haroun, récompensé du prix du Jury au festival de Cannes en 2010, il s’est merveilleusement impliqué dans cette histoire marseillaise.
Au-delà de la simple fantaisie, Au fil d’Ariane nous invite à rêver à une fraternité universelle. En tout cas à celle qui émane du film. <br
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