Littérature francophone
Le 6 novembre 2002
Roman fou qu’Asile d’azur. Impossible à résumer, à lire sans s’énerver. Impossible surtout à oublier.
- Auteur : Jean-Marc Lovay
- Editeur : Zoé
- Genre : Roman & fiction
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Le livre Jean-Marc Lovay est une plongée des mots dans un monde sans repères. Aussi fatigant qu’époustouflant.
De certains livres on ralentit la lecture quand on approche de la fin. Simple envie d’en prolonger le plaisir, de garder l’histoire un moment encore au creux de ses mains. D’autres en revanche, on se réjouit d’en venir à bout. Non pas pour régler son compte à un bouquin raté, mais pour se reposer d’un roman éblouissant, mais exigeant. Très. Asile d’azur en est.
S’embarquer dans le dernier Jean-Marc Lovay, c’est affronter des phrases interminables, s’étalant parfois sur plus d’une page sans virgule ni tiret. C’est s’impatienter de trouver enfin un point pour souffler un peu. S’appliquer à ne jamais relâcher sa concentration, s’énerver de se perdre, de n’y rien comprendre. C’est pester contre un auteur qui se soucie si peu de son lecteur. Bougonner que tout cela n’est qu’une histoire de fous et que son Suisse de créateur en est sans doute un beau lui aussi. Mais Asile d’azur, c’est aussi une écriture rare à la folie maîtrisée, un éparpillement de trouvailles poétiques ("Krazoug se courbait pour esquiver un sanglot qui cherchait un employeur" ; "les plus potelées pelotes poétiques"). Et c’est, peut-être, un étincelant hommage à la magie des mots. Peut-être. Car ici on n’est sûr de rien.
Sauf d’une chose. "Un soir du temps où les jours et les nuits n’avaient déjà plus chacun leur aube et leur crépuscule", un homme pousse la porte d’un ancien jardin zoologique, entrée secrète de la clinique de la Doctorine Azoug, dont l’unique patient, Hazoug-le-Peintre, est condamné à mourir le jour où il aura terminé sa fresque. Début de l’histoire, début des doutes. Le visiteur vient-il dans cet asile pour la première fois ? Ne serait-il pas le gentil Hamster-Docteur, voire l’inquiétant docteur von Hamster ? S’est-il inoculé le virus de la fièvre ravageuse de mémoire pour fuir la paternité de la jeune chercheuse Tanzoug ? Et que viennent faire là-dedans l’endormeur Krazoug, les mergules, la Léproserie, le Dispensaire, l’Hôtel de la Jarretelle nébuleuse, le Syndicat des défenseurs de la guérison mentale par la création bénévole ? Nous balader au cœur de la folie, tout simplement ? On peut répondre oui, et s’en tenir là. On peut aussi, exercice salutaire au sortir d’un tel roman, tenter d’y trouver un sens. En se débarrassant par exemple des mots fous posés sur la toile d’Hazoug, hypothétique point central du roman, double toujours aussi hypothétique de l’auteur.
Reste un "peinturlureur", partie intégrante d’une fresque qu’il ne peut achever. Ne jamais reposer son pinceau. Combler des vides. Mettre des couleurs. Vaincre l’obscurité, la noirceur du monde. Peindre pour vivre, pour faire vivre. Peindre, écrire, parler. Comme Jean-Marc Lovay, écrivain fou accroché à sa plume aussi "inguérissable" que le pinceau d’Hazoug. Comme Schéhérazade, qui pour sauver son peuple de la cruauté du roi, racontait "des histoires merveilleuses pour passer le temps de notre nuit". Asile d’azur apparaît alors comme un conte, un enchantement auquel on est heureux d’avoir succombé.
Jean-Marc Lovay, Asile d’azur, Zoé, 2002, 200 pages, 18,50 €
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