Le 10 avril 2017
Parfois pénalisé par son approche commerciale, le second album de Joey Bada$$ n’en reste pas moins très agréable et bien écrit.


- Date de sortie : 7 avril 2017

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Notre avis : Au vu des singles dévoilés, Devastated et Land of the Free (puis dernièrement Rockabye Baby avec ScHoolboy Q), on attendait ce All-Amerikkkan Badass comme l’antagoniste complet du premier album de Joey Bada$$, B4.DA.$$ (lire "before the money"). C’est en nouant des liens forts avec le boom bap que le jeune rappeur de New York s’était révélé au plus grand nombre, et c’est avec la trap qu’il affirme un peu plus son talent, et sa capacité de diversification. Diversification en opérant le rapprochement entre ses deux albums, et finalement diversification au sein même de son second projet, jouant sur tellement de tableaux qu’on ignore comment il ne pourrait pas satisfaire un minimum les différents versants de son public, aussi bien ceux détracteurs de la trap et partisans du boom bap, que l’inverse (sans oublier ceux faisant le choix de ne pas choisir). Si bien que All-Amerikkkan Badass, dans sa globalité, n’est pas tant un album de trap qu’un album "moderne", terme certes assez vague, mais plutôt adapté pour un style englobant des années de hip hop, de différentes tendances, dans un unique projet. La pratique est maintenant courante, mais toujours agréable, la frontière entre le boom bap et la trap s’efface encore un peu plus.
Preuve s’il en est, All-Amerikkkan Badass convoque, de manière différente, mais tout de même, le même aspect "chill" de B4.DA.$$. Plus court et peut-être moins exigeant dû à son ouverture à une tendance commerciale, ce second projet s’écoute même plus facilement. Si tôt terminé, si tôt relancé. Les productions sont pour la plupart aériennes et reposantes, notamment accentuées par cette incursion dans la trap et les effets de mixage très actuels, tel que l’autotune, cependant pas toujours réussi. Dans sa première partie (avant Y U Don’t Love Me), All-Amerikkkan Badass souffre en effet d’une tendance à trop en faire dans ses effets, boursouflant les paroles de Joey Bada$$, tout particulièrement sur Devastated, morceau assez fade, choisi comme premier single de l’album (et on comprend vite pourquoi). Heureusement, cette légère vacuité musicale entachant quelque peu la première moitié du projet ne contamine jamais les qualités d’écriture de Joey Bada$$, plus diluées sur certains morceaux pour s’adapter à la forme de chacun (notamment sur... Devastated), mais bel et bien partie intégrante de la maturité de All-Amerikkkan Bada$$.
Par sa pochette se laissait entrevoir une provocation plutôt bas de gamme et surtout très bling bling, en réalité, l’album, dans son contenu, s’oppose diamétralement à cette vision. Comme pour son blaze (un gars qui se fait appeler Joey Bada$$, c’est pas forcément très avenant), il nécessite d’outrepasser cette première impression venant du rappeur pour très rapidement apercevoir une mentalité sagace que All-Amerikkkan Badass continue de cultiver. Seule pause énervée, ou en tout cas la plus importante (dans une moindre mesure il y a aussi Ring the Alarm), Rockabye Baby, non sans rappeler (en terme d’ambiance seulement) le Big Dusty de B4.DA.$$, vient apporter à l’album une touche "creepy" instantanée, lourde, mais unique au sein du projet. Les 11 autres titres, eux, s’accordent sur une atmosphère plutôt posée, où Joey Bada$$, malgré son jeune âge (seulement 22 ans), s’érige en sage avisé et perspicace, en témoigne son morceau Land of the Free, et la vidéo qui y est associée. Ironiquement, dans ce même clip sont repris les éléments présents sur la pochette, Joey Bada$$ (jusque là, normal), le véhicule customisé comme un dragster (quand l’exubérance empiète sur le bon goût...) et le drapeau américain constitué d’un bandana géant rouge, bleu et blanc (inutile d’expliquer la symbolique, elle s’impose d’elle-même). Pourtant, en pertinente mise en scène qu’il constitue d’un des textes les plus forts de l’album, le clip exprime par l’image la position d’un rappeur représentant fièrement ses idéologies, ici teintées d’optimisme, avec une maturité se traduisant par un pacifisme dans les paroles. Joey Bada$$ se pose en enseignement pour les enfants, en guide pour les plus grands. A raison.