Le 26 janvier 2019
Alain Kan période glam ne ressemblait déjà à personne. A l’époque, l’album fut interdit d’antenne. Plus de quarante ans après, il sent encore le soufre.
- Chanteur : Alain Kan
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Sortie en 1976
Notre avis : Un jour, Alain Kan disparut en plein Paris. On ne le revit jamais. Mais ses chansons demeurent comme le témoignage d’une trajectoire multiforme, qui conduisit l’artiste d’une carrière de crooner mièvre aux provocations punk les plus radicales. Peu de chanteurs français peuvent en dire autant. Les ruptures musicales d’Alain Kan sont des virages à 360 degrés, aussi imprévisibles que le fut toute sa vie cet artiste inclassable. En 1976, le visage androgyne et maquillé du trublion s’affiche dans des couleurs bleutées, sur une pochette qui annonce sardoniquement : Heureusement qu’en France on ne se drogue pas. Le ton est donné, plusieurs morceaux enfonceront le clou : au premier chef, Speed my speed, entonnée d’une voix nostalgique sur une superbe mélodie au piano, a tout du tube en puissance, sauf que Kan casse volontairement son jouet en déclarant sa flamme à une quantité de benzodiazépines ou de stupéfiants notoires. Inutile de dire qu’avec cette liste à la Prévert, l’interprète n’avait aucune chance de passer chez les Carpentier. Même tonneau pour l’oeuvre éponyme de l’album, une mise en boîte de la France Pernod Ricard qui s’en prend au joint ("Oh Papa, ne crains rien pour moi, ici sont rares les champs de pavot/Joue aux cartes avec tes copains et va boire un coup au bistrot"). Des années avant Matmatah, le provocateur s’attaque aux drogues légales, mais de manière encore plus désinvolte que ses lointains descendants bretons. En fait, l’album se fout absolument de tout, avec une volonté délibérée de se saborder joyeusement, dans une sorte de geste dadaïste. Se souvenant de l’adage de Bakounine ("A toute vapeur à travers la boue"), Monnaie Monnaie exhorte une pauvre Lola, malheureuse au jeu, à s’entêter avec perte et évidemment sans profits. Parfois, le disque quitte ses sentiers de traverse pour reprendre un chemin plus orthodoxe, avec un talent mélodique indéniable : on retiendra l’impeccable morceau pop Ange ou démon et ses inflexions de voix qui annoncent déjà Jean-Patrick Capdevielle, ou l’étonnante rétro-chanson, Pauv’Pomme, qui marche sur les traces de Guy Mardel. N’oublions pas que c’est avec un smoking et beaucoup de sirop qu’Alain Kan démarra sa carrière.
Ces oeuvres sont les plus accessibles de cet album où le spoken word s’invite également, pas très éloigné de ce que proposait Léo Ferré dans Amour anarchie. Ainsi, Ma solitude qui, sur fond de rock erratique, est une longue déclamation souvent hurlée, évoque Le chien à bien des égards, tandis que Dracula sonne musicalement comme une piste oubliée de Rock around the bunker. Le petit-fils du célèbre vampire festoie en compagnie de "Princesse Loup-Garou, Monsieur Judex, Docteur Jekyll sans Mister Hyde", avant de jeter son dévolu sur une certaine Lucette, coiffeuse à Paris. C’est du grand n’importe quoi, qui n’évite pas certaines facilités, mais Kan assume jusqu’au bout sa sortie de route, globalement plus drôle que le célèbre Champagne de Jacques Higelin.
Avec le recul, la cuvée 76 du plus maudit des artistes français demeure davantage qu’une curiosité intrigante : un classique du glam rock hexagonal, qu’on recommande, au-delà de ses outrances.
Heureusement qu’en France on ne se drogue pas, [Alain Kan] (Les Disques Motors), 1976.
Orphélie 4:55
Heureusement En France On Ne Se Drogue Pas 2:53
Ma Solitude 5:23
G.M. Blues 9:10
Monnaie Monnaie 3:35
Speed My Speed 3:24
Dracula 6:23
Ange Ou Démon 3:40
Les Blouses Blanches 4:10
Pochette de l’album ℗© 1976 Les Disques Motors
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