Maman, j’épouse la bonne !
Le 6 août 2015
La redécouverte d’un des tous premiers films du prolifique Michael Curtiz.


- Réalisateur : Michael Curtiz
- Acteurs : Victor Varconi (Mihály Várkonyi), Lili Berky, Mari Jászai, Andor Szakács, Gyula Nagy
- Genre : Drame
- Nationalité : Hongrois
- Durée : 1h04mn

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– Scénario : Jeno Janovics
d’après une pièce de Ede Tóth
– Photographie : Laszlo Fekete
La redécouverte d’un des tous premiers films du prolifique Michael Curtiz.
L’argument : Liszka, une jeune orpheline, est élevée à la campagne par son oncle. Sur son lit de mort, celui-ci lui révèle que la mère de la jeune fille n’est pas morte, mais en prison depuis des années. Seule, Liszka part pour la ville où elle est engagée comme femme de chambre dans une demeure bourgeoise. Miklós, le fils aîné de la famille, tombe amoureux d’elle. Mais la mère du jeune homme congédie Liszka et l’accuse de vol... (Résumé : Cinéma de minuit - France 3)
Notre avis : Du prolifique Michael Curtiz, alias Mihály Kertész (né Manó Kertész Kaminer), on connaissait, outre l’abondante production hollywoodienne (plus de 100 titres entre 1926 et 1961), quelques uns des films qu’il avait réalisés en Autriche au début des années 20, comme le très enlevé Wege des Schreckens ou le monumental Sodom und Gomorrha.
Mais seuls quelques fragments épars semblaient subsister de sa carrière hongroise (45 titres) jusqu’à la redécouverte de ce A tolonc qui, magnifiquement restauré, a été projeté en 2014 à Lyon (Festival Lumière) et diffusé le 2 août 2015 sur France 3 dans le cadre du cinéma de Minuit.
- Kertész Mihály - A tolonc - 1914
Tiré d’une pièce de théâtre célèbre et interprété par des gloires de la scène hongroise, le film revendique cette origine et s’en ressent un peu dans ses moments les plus dramatiques où guette une grandiloquence contrôlée, et assez vite réfrénée d’ailleurs, les acteurs s’en tenant plutôt à un jeu sobre d’obédience naturaliste, d’une intensité remarquable mais nullement crispée chez Mari Jászai (la mère) et Lili Berky (Lizska), plus détendue chez les seconds rôles comiques (le vagabond, la mère et le beau-père du jeune homme) ou chez le fringant Mihály Várkonyi* (Miklós), notamment dans la scène où il s’ébouillante en faisant sa cour en tablier de cuisine.
Le presque débutant Kertész, dont c’est déjà la dixième réalisation, fait montre d’un talent affirmé pour organiser dramatiquement l’espace dans le plan, mais recourt aussi à un découpage relativement élaboré (insertion de gros plans, montage parallèle) et gère avec aisance les fréquents changements de registre (le drame et la comédie, le foklore un rien décoratif de la séquence du mariage et l’attraction spectaculaire d’un crêpage de chignons dans un café mal famé).
- Kertész Mihály - A tolonc - 1914
Surtout, il sait s’émerveiller en filmant les extérieurs dans un esprit proche du documentaire (les personnages marchant sur des routes de campagne, les courses de la servante au marché), et prêter toute son attention à des gestes et des détails en apparence insignifiants, et plus généralement à tout ce qui n’est pas immédiatement conditionné par l’action mais donne au film sa respiration et son caractère d’authenticité : l’héroïne prenant possession de sa cuisine lorsqu’elle est engagée comme bonne ou préparant posément son balluchon au moment où elle est renvoyée ; les gardiens amusés lorsque la mère, libérée de prison, les salue avec effusion ; le banc devant la maison sur lequel on s’assied ; l’empressement des garçons de café ...
- Kertész Mihály - A tolonc - 1914
A tolonc est donc bien plus qu’une simple curiosité historique. C’est un fort beau film qui fait souhaiter que ressurgissent d’autres pans enfouis de l’œuvre hongroise de Kertész.
- Kertész Mihály - A tolonc - 1914
*L’acteur tournera très régulièrement avec Kertesz (Sodom und Gomorrha, 1922 ; Der junge Medardus, 1923) avant d’entamer une longue carrière hollywoodienne (The Volga boatmen).