Le 22 juin 2015
Un sommet de l’art muet, dans une copie splendide. Indispensable.
- Réalisateur : Cecil B. DeMille
- Acteurs : William Boyd, Elinor Fair, Robert Edeson, Victor Varconi (Mihály Várkonyi), Julia Faye
- Genre : Drame, Historique
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Bac Films
- Durée : 2h
- Titre original : The Volga boatmen
- Date de sortie : 3 décembre 1926
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– Sortie DVD : le 11 mai 2015
Un sommet de l’art muet, dans une copie splendide. Indispensable.
L’argument : Pendant la Révolution Russe, la Princesse Vera, bien que promise au Prince Dimitri, est amoureuse de Feodor, un paysan.
Notre avis : Quand Les Bateliers de la Volga sort, en même temps que le Tartuffe de Murnau ou Le Mécano de la Générale de Keaton, le muet brille de ses derniers feux. Il est parvenu à son sommet, c’est à dire qu’il a inventé une grammaire et un classicisme, et produit des chefs-d’œuvre. Certes, notre connaissance demeure partielle au vu du nombre de films perdus, mais ce qui subsiste, et que le DVD nous fait découvrir au compte-gouttes, montre à quel point le cinéma était déjà un art. Et dans cet art, Cecil B. DeMille, loin encore de la grandiloquence de l’époque parlante (malgré tout de même des exceptions comme Les dix commandements en 1923), a creusé un sillon singulier, dont ces Bateliers … propose un superbe exemple.
Cecil B. DeMille retrouve ici Griffith ou Cabiria en inscrivant des destins individuels dans la grande histoire, celle de la révolution russe. La figure clé en est la métonymie : les Rouges sont représentés par Féodor, batelier puis révolutionnaire émérite ; les Blancs par la Princesse Véra, mais aussi par Dimitri son soupirant et le château, qui surplombe la Volga et ses esclaves. Ces oppositions, le cinéaste les rend visuelles par des idées de toutes sortes, qui constituent un réseau serré d’échos et de parallélismes inversés. Les citer tous serait fastidieux, mais on pourrait suivre plusieurs thèmes en montrant comment ils s’organisent et se transforment. Ainsi, dans le début, de film, voit-on les bateliers, d’abord en plan large, puis la cadence de leurs pieds, et la chute d’un homme. Quand les Blancs à leur tour seront harnachés, ces trois plans sont repris, mais c’est une femme qui chute. De même la carte tachée de vin trouvera un écho dans la ruse de Féodor pour sauver Véra.
Certaines trouvailles sont plus discutables, notamment le goût de DeMille pour les tableaux hiératiques qui plombent un peu le film et laissent entrevoir sa passion pour la grandiloquence. Néanmoins, Les Bateliers de la Volga reste sobre dans l’ensemble et joue sur tous les registres pour amuser (l’auberge qui change de drapeau), émouvoir (la déclaration d’amour de Féodor) ou impressionner (la maîtrise du cadre, étonnante, éclate à chaque instant, créant des images inoubliables). DeMille s’avère un créateur de suspens audacieux, notamment dans la séquence où Féodor donne cinq minutes à Véra avant de l’exécuter. Avec courage, elle avance l’heure à la montre et, bravache, lui dit : « Je n’ai pas l’habitude d’attendre ». Répétons-le, des idées de cette eau, il y en a une somme ahurissante.
On a reproché au film, à sa sortie, de ne pas prendre parti pour l’un ou l’autre camp. Outre qu’il nous semble tout de même que les Rouges s’en tirent mieux (ce qui est étonnant quand on connaît DeMille), ce serait plutôt un atout aujourd’hui : la violence de certaines scènes (Véra déshabillée sous les regards concupiscents des révolutionnaires, par exemple) donne une idée de la cruauté de l’époque, tout en travaillant constamment la litote plutôt que la monstration. En filigrane, le film s’attache aussi à la description d’un monde privé d’intimité et soumis à la délation, ce qui là non plus ne manque pas de sel quand on connaît l’attitude du cinéaste pendant la chasse aux sorcières.
Hors de toute passion historique, il y a un réel plaisir à voir ces Bateliers de la Volga : la richesse visuelle, les décors, les costumes, les inventions permanentes, et même la direction d’acteurs parfois subtile, donnent une idée des sommets que pouvait atteindre Hollywood avant le bouleversement du parlant.
Les suppléments :
En huit minutes, Patrick Brion raconte l’origine du projet, les problèmes de tournage et la réception du film.
L’image :
La copie teintée est remarquable, parfaitement lisible, avec très peu de parasites. Elle contribue efficacement à notre plaisir, voire à notre fascination.
Le son :
Comme pour tous les films du coffret, le rendu de la musique est bon, sans être exceptionnel. Signalons tout de même la virtuosité du pianiste.
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