Le 30 septembre 2018
Trois ans après Le signe de la croix, DeMille embarque de nouveau pour une antiquité fantasmatique dans ce film très inégal.


- Réalisateur : Cecil B. DeMille
- Acteurs : Claudette Colbert, Warren William, Henry Wilcoxon, Ian Keith, Joseph Schildkraut
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h40mn
- Titre original : Cleopatra
- Date de sortie : 16 novembre 1934

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Résumé : En conquérant l’Égypte, César conquiert le cœur de Cléopâtre avec qui il revient, triomphant, à Rome. Il y est rapidement assassiné et Cléopâtre rejoint son pays. Peu de temps après, le Consul Marc-Antoine succombe lui aussi à ses attraits, mais Rome se fâche.
Notre avis : Se saisissant d’un prétexte historique, DeMille fait le portrait d’une femme blessée, que le pouvoir condamne à l’amour contrarié : Jules César est tué avant de la sacrer, et Marc-Antoine est lâché par Rome. Victime donc, la reine incarnée par la mutine Claudette Colbert voit ses projets sentimentaux et politiques échouer, elle doit fuir puis se rendre. Mais, on s’en doute, ce n’est pas la vérité historique qui intéresse le cinéaste. Pas non plus le marivaudage parfois assez pénible alourdi par des dialogues et des acteurs sentencieux. De ces moments statiques il se tire plutôt mal, et ce ne sont pas de fades imitations shakespeariennes qui peuvent relever un film déséquilibré que la mièvrerie ou le pathos guettent fréquemment.
En revanche, DeMille est déjà le maître du faste et de la pompe : les décors somptueux, les tenues extravagantes de Cléopâtre lui inspirent des plans magnifiques à l’image du dernier, symétrique, dans lequel elle est sur son trône, morte, tandis que d’épaisses portes se ferment et ferment le film. Là le réalisateur soigne des compositions alambiquées, riches de détails. De l’épate, du kitsch, un exotisme de bazar mais qui fascine et ne cesse d’étonner : car, en plus de son goût pour la démesure, il fait preuve d’une audace que le code Hays quasi-contemporain interdira bientôt. Il faut voir ce ballet de femme félines, qui tient de Broadway aussi bien que de l’imagerie SM, avec fouet s’il vous plaît ; il faut voir ces naïades remontant d’un filet de pêche et rampant aux pieds de Marc-Antoine. Et puis, quel autre cinéaste oserait une métaphore sexuelle à travers un plan de galère ?
De cette œuvre hybride on retient également la bataille finale qu’un montage très rapide galvanise : plans très brefs d’ensemble ou de détails, mélange de grandiose et de cruauté, elle utilise nombre de techniques (maquettes, plans débullés, sous-marins, hors-champ) pour suggérer en quelques minutes un combat épique. La séquence tient de la métonymie et, peut-être pour cette raison, a gardé sa force et sa vigueur. Elle participe à faire de ce métrage inégal une vraie curiosité, pas entièrement passionnante, ni toujours maîtrisée, mais qui fait preuve d’un extraordinaire sens de l’image et du montage. Le spectaculaire n’y est pas encore encombré du sérieux des films à venir et témoigne d’ambiguïtés fascinantes.