Le jeune homme et la mer
Le 19 mars 2024
Les amours contemplatifs de deux sourds-muets sous l’œil fasciné de Kitano. Une œuvre sensible, simple, qui n’en garde pas moins sa grande rigueur plastique.
- Réalisateur : Takeshi Kitano
- Acteurs : Kuroudo Maki, Sabu Kawahara, Hiroko Oshima, Susumu Terajima, Claude Maki
- Genre : Comédie dramatique, Romance, Teen movie, Film de sport
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Metropolitan (éditeur DVD), Metropolitan FilmExport, La Rabbia
- Durée : 1h40mn
- Reprise: 8 août 2018
- Box-office : 40.382 entrées France / 22.171 entrées P.P.
- Titre original : Ano natsu, ichiban shizukana umi
- Date de sortie : 23 juin 1999
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– Année de production : 1991
Résumé : Un jeune éboueur sourd-muet se prend d’une passion obsessionnelle pour le surf. Soutenu par le regard protecteur de sa fiancée, sourde-muette comme lui, le jeune homme progresse, d’apprentissages éprouvants en compétitions harassantes, jusqu’a ce que la mer les sépare.
Critique : Essentiellement tourné sur les plages de sable noir des côtes japonaises, le troisième long métrage de Kitano évoque la vénération d’un éboueur pour le surf. C’est, plus précisément, pour la beauté énigmatique accrochant le regard de l’homme face à la mer. Kitano, absent de l’affiche, concrétise ici ce que nous éprouvons en rencontrant son œuvre : cette fascination pour la majesté océanique, mélange de peur et réjouissance devant tel spectacle. Il a souvent exprimé ce paradoxe d’une obsession qu’il ne cesse de représenter à l’écran. La mer captive le cinéaste japonais, mais il affirme ne pas être fou pour oser s’y baigner ! C’est le piège sublime, celui qui avale notre regard et nos mots, et engouffre toute dernière résistance dans cette enveloppe liquide.
- Copyright Office Kitano
Shigeru est sourd-muet. Mais devant ce réel si pénétrant, aurait-il pu prononcer la moindre parole s’il en avait eu la possibilité ? Mieux vaut se tenir à distance, et prendre les armes pour affronter la puissance tranquille de l’océan. Véritable extension du bras, la planche de surf est sa seule garantie pour aborder, frontalement, le roulement incessant des vagues. Les scènes de surf sont systématiquement montrées en plan large à l’inverse des contrechamps sur les visages (Shigeru et son amie) aspirés par l’étendue marine. Dans la détermination de ce regard se ressent la confrontation qu’impose la mer, le combat qui attend Shigeru. A l’instar du cinéma d’Ozu, A Scene at the Sea est dominé par ces plans fixes et frontaux. Kitano accumule les champs-contrechamps aplatis, retournés à 180°, qui verrouillent l’espace entre le rivage urbain et ombrageux s’opposant à la luminosité infinie de la mer. L’écart se maintient et conforte l’impossible union entre les deux parties. A moins de déposer les armes, et devenir poisson comme nous chuchote le film.
Takako est sourde-muette. Pourtant, Kitano réussit dans l’économie expressive à façonner une véritable histoire d’amour. Témoin de la fascination de Shigeru, elle ne se lasse pas de l’observer quand il prend le large. Deux personnes pointant leur regard toujours dans la même direction, spectateurs d’un tableau vivant. On pense indéniablement au théâtre de masques japonais, dans ces plans construits comme des scènes fixes où l’épure radicale de Kitano vient souligner une unique émotion (dans le théâtre Nô, les masques sont utilisés par une personne pour traduire une humeur), une simple action, ou un gag kitanien dont la fugacité n’empêche jamais notre affection devant la candeur amoureuse de Takako et Shigeru. Et ainsi, le cinéaste crée un langage cinématographique où le plan ne se concentre que sur l’essentiel.
Nettement plus équilibré que son prédécesseur, ce troisième film distille une mélancolie douceâtre, bercée par les premières compositions de Joe Hisaishi pour le réalisateur japonais. Certes, le dépouillement opéré par Kitano peut lui aussi nous tenir à distance, mais, ce film constitue une parenthèse étonnante dans sa carrière. A Scene at the Sea se ressent comme le souffle du vent marin : simple et fort, subtil et agréable.
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