Le 19 mars 2024
Une belle édition pour ce film entre cocasse et émotion, récit initiatique autant que road-movie.
- Réalisateur : Takeshi Kitano
- Acteurs : Takeshi Kitano (Beat Takeshi), Yusuke Sekiguchi, Rakkyo Ide
- Genre : Comédie dramatique, Road movie
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : La Rabbia, Les Bookmakers
- Editeur vidéo : La Rabbia
- Durée : 2h01mn
- Box-office : 312 089 entrées France / 87.039 entrées Paris Périphérie
- Titre original : Kikujirô no natsu
- Date de sortie : 20 octobre 1999
- Festival : Festival de Cannes 1999
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Résumé : Masao s’ennuie. Les vacances scolaires sont là. Ses amis sont partis. Il habite Tokyo avec sa grand-mère dont le travail occupe les journées. Grâce à une amie de la vieille femme, Masao rencontre Kikujiro, un yakuza vieillissant, qui décide de l’accompagner à la recherche de sa mère qu’il ne connaît pas. C’est le début d’un été pas comme les autres pour Masao…
Critique : C’était l’époque d’une découverte ; Kitano, après Sonatine, Kids Return et surtout Hana-bi, devenait un cinéaste sur lequel on pouvait compter, atypique et surprenant. L’été de Kikujiro marque presque la fin de cette célébration, la suite de sa carrière, malgré un Zatoichi d’anthologie et quelques fans encore fidèles, passant davantage inaperçue. Mais en 1999 comme lors de sa ressortie en 2017, ce huitième film fait presque l’unanimité. À travers un road movie improbable, entre drame et comédie, Kitano fait montre de son style très au point : le montage-rupture, les longs plans fixes, le goût des moments creux servent d’écrin à un parcours initiatique qui n’est pas sans rappeler, toute proportion gardée, Alice dans les villes de Wenders. On s’y délecte d’un ton décalé, mais le fond est très délicat, puisque l’enfant et le Yakuza s’apprivoisent peu à peu, bercés par la tendre mélodie du complice Joe Hisaishi.
- Copyright Senator Filmverleih
Comme dans tout road movie, le hasard sécrète des rencontres agréables (le couples d’amoureux) ou pas (le pédophile), qui pimentent et aèrent un trajet sinueux, ouvert aux possibilités ; Kitano y prend son temps, parsemant son film de trouvailles gaguesques et de moments oniriques : les interdits de l’hôtel, le bain dans la piscine qui devient noyade, les insultes répétées, la baffe donnée par erreur, les motards victimes, autant de moments drôles qui fonctionnent bien et forment un pendant à de beaux moments d’échange ou de marche silencieuse. Mais il s’amuse aussi d’un décalage visuel quand il filme à travers des verres, dans le reflet de lunettes ou du point de vue d’une roue qui tourne : c’est que le monde, à qui prend le temps de le regarder, recèle assez de surprises pour enchanter perpétuellement ; si le mal est en embuscade, la bonté est plus répandue et chaque détail gagne une valeur inattendue. Au fond, c’est une foi inaltérable dans le cinéma que montre L’été de Kikujiro, une foi qui se manifeste moins par la présence éparse d’anges que par la possibilité d’une épiphanie.
Mais le film est aussi une œuvre de personnages : Kitano incarne un bon à rien inculte et grossier, dont le début souligne à l’envi les défauts ; sa femme le rabroue dès son apparition ; au lieu d’accompagner Masao, il parie ; au lieu de demander, il menace ; les solutions qu’il envisage reposent toujours sur la triche ou la contrainte. Pour lui, le monde est d’abord un rapport de forces dans lequel il veut dominer. La rencontre de Masao, d’abord problématique, lui fait réviser son système de valeurs : vers le milieu du film, il voit la mère de l’enfant qui a refait sa vie ; avec cette belle séquence au temps suspendu (à laquelle fera écho la visite à sa propre mère, déchirante), le lyrisme commence à l’emporter et si le personnage vole et ment, c’est pour la « bonne cause ». La mer, figure récurrente chez le cinéaste, devient alors le lieu de l’apaisement et de la compréhension.
- Copyright Senator Filmverleih
Émouvant sans être tire-larmes, L’été de Kikujiro trouve par moments une grâce poétique inattendue, tout en refusant nombre de facilités : pas de beaux décors, même pas la plage et son béton, pas de grandes scènes mièvres ; on est dans l’émotion retenue du quotidien plus que dans la « grande forme » hollywoodienne. Mais Kitano marque surtout par un usage subtil des possibilités cinématographiques : ellipses, élargissement du champ qui change le point de vue (la séquence hilarante du pneu qu’il veut crever), rêves transformés en scènes de genre, ralentis, images quasi immobiles de gens figés, effets de montage, etc. Même un simple cadrage, comme le plan large de Masao s’enfuyant dans la nuit de la fête foraine, participe à la cohérence de cette œuvre plus complexe qu’il n’y paraît et infiniment tendre. Si la longue suite de jeux peut avoir quelque chose de lassant, dans l’ensemble, Kitano livre ici l’un de ses films les plus aboutis et sans doute le plus personnel.
- Copyright La Rabbia
Les suppléments :
Un « vrai » making of (1h32 !) factuel, drolatique et humain, dans lequel Kitano se livre presque incidemment et une courte interview à Cannes (7mn) accompagnent deux bandes-annonces. L’éditeur annonce aussi un CD avec la BO qui ne nous a pas été proposé.
- Copyright La Rabbia
L’image :
Quasiment impeccable : les couleurs sont pimpantes, la définition largement satisfaisante. L’image soyeuse des intérieurs ou lumineuse des extérieurs enthousiasme sans restrictions.
Le son :
Il faut largement privilégier la VO (2.0 DTS Master Audio), qui délivre dialogues limpides et rugueux. Quant à l’envoûtante musique, elle enveloppe et se déploie de belle manière.
– Sortie du combo DVD + Blu-ray : 4 avril 2018
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