25 ans

De tournées en Asie en albums de rhythm’n’blues ou de rap, La Souris et son chanteur à l’impassibilité à toute épreuve ont élargi leurs horizons pendant ces deux décennies. C’est pourtant la même rage et ce même rockabilly désossé qui continuent à habiter leurs concerts. Sans détour par Marx, La Souris Déglinguée présente une vision lapidaire d’une lutte des classes version banlieusarde : "Combien y a-t-il de lundis matins pour la main-d’œuvre à bon marché/Combien y a-t-il de lundis matins pour les rockers manutentionnaires" (Rockers). La voix rauque de Tai-Luc prête assez mal à l’ironie (voir plutôt Starshooter), aux tendres sentiments (voir plutôt les Wampas), et encore moins aux malentendus, en particulier idéologiques : le groupe s’est longtemps fait reprocher sa tolérance à la frange skinhead de son public, mais il avait réglé leur compte aux amateurs de croix gammées dès Rock’n’roll vengeance ou Cœur de Bouddha.

Avec un son brut de décoffrage, la production de La Souris Déglinguée a certainement mieux traversé les années que si elle s’était permis quelques fioritures new-wave. Pourtant plus inspiré par Gene Vincent que par Black Flag, le groupe aurait une place de choix dans l’arbre généalogique de la scène hardcore française. Depuis, ce sens de la narration brutal mais évocateur a fleuri dans le hip-hop et le rock’n’roll a migré de la zone de Saint-Ouen vers les banlieues propres...

Avec son DVD d’images volées à un concert toulousain et ses quelques titres en bonus (dont le premier 45-tours du groupe, Haine, haine, haine) cette réédition n’a rien d’une opération marketing de haut vol, destinée à capitaliser sur le retour du rock à guitares. Juste une pièce majeure pour le culte de la grande Souris, et le rock underground d’ici.