Ere glaciaire
Le 8 octobre 2003
Un projet scientifique sur l’Antarctique, une histoire d’amour en devenir sur la banquise... et le néant au cœur du récit du dernier roman de Marie Darrieussecq.
- Auteur : Marie Darrieussecq
- Editeur : Editions P.O.L
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Française
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Marie Darrieussecq avait déjà habitué ses lecteurs à s’engager sur des chemins de traverse littéraires avec sa façon très particulière de brouiller le récit au gré de bulles de mots flottant à la dérive. L’essai avait été en la matière brillamment confirmé avec le magnifique Bref séjour chez les vivants. Son dernier roman White s’inscrit dans cette même volonté de redéfinir les frontières narratives mais l’effet qui en résulte est cette fois-ci pour le moins déconcertant.
Une équipe de chercheurs et techniciens calfeutrés dans leurs casemates à quelques kilomètres du Pôle Sud. Parmi eux, une femme, Edmée Blanco, ingénieur télécom, qui a quitté son mari et le confort de Houston pour l’aventure polaire et Peter Tomson, un technicien chauffagiste islandais fort silencieux.
Pendant six mois, cette petite communauté doit mener à bien le projet White, à savoir la construction d’une base européenne sur le continent Antarctique. Six mois d’autarcie face à l’emprise des éléments, où tout geste est compliqué, de l’usage des tinettes glaciaires à l’absorption de thé ou de champagne, six mois de réflexion où chacun se réfugie dans ses songes, cerné par des fantômes, lambeaux de souvenirs des uns et des autres. L’étendue blanche, la sensation de néant et l’ennui ritualisé par les tâches quotidiennes servent alors de décor à une histoire d’amour en devenir, Edmée et Peter s’observant et se taisant beaucoup pour enfin s’approcher aux deux tiers du livre.
L’exploration des esprits du projet White s’apparente beaucoup à ces carottages de glace entrepris pour explorer le passé. "Peter Tomson regarde remonter la glace et nous soupirons ; ça nous rappelle le temps où il n’y avait rien, où il n’y avait même pas le temps."
Le vide de plus en plus étouffant encombre les pages du livre. L’animation sonore a pourtant le premier rôle avec des manchots qui ne manquent pas de faire "clac, clac, clac", des hélices "tap tap tap" et le velcro des combinaisons "scritch scritch" mais les onomatopées qui ponctuent les phrases de Marie Darrieussecq ne parviennent pas à réveiller cet univers polaire.
Si le néant est au cœur du récit, le lecteur est au moins assuré de s’évader grâce à la poésie des descriptions de l’auteur. La lumière en est la guest-star. "Rayons jetés à ras, un jaune de vitrail, nef blanche, coupole du ciel, ombre croisée de l’avion"... Déconstruite, stratifiée, magnifiée, elle irradie le texte. Une façon comme une autre de réchauffer notre lecture.
Marie Darrieussecq, White, P.O.L, 2003, 222 pages, 17 €
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