Renouveau du film musical
Le 1er août 2024
Au début des années 60, Robert Wise met un grand coup de pied à un genre devenu alors presque désuet : le film musical. Retour donc sur West Side Story, ses idées, son charme, ses musiques éternelles, et sa ruée vers la popularité.
- Réalisateur : Robert Wise
- Acteurs : Natalie Wood, Russ Tamblyn, George Chakiris, Simon Oakland, Rita Moreno, Richard Beymer, Roxanne Tunis, Tony Mordente, Robert Banas
- Genre : Drame, Comédie musicale, Musical, Film culte
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Carlotta Films, Les Artistes Associés
- Durée : 2h31mn
- Date télé : 31 décembre 2023 20:50
- Chaîne : TCM Cinéma
- Reprise: 19 décembre 2012
- Date de sortie : 1er mars 1962
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Résumé : Dans le West Side, bas quartier de New York, deux bandes de jeunes s’affrontent, les Sharks de Bernardo et les Jets de Riff. Un ex des Jets, Tony, s’éprend de Maria, la sœur de Bernardo.
Critique : Bien des années sont passées depuis que West Side Story a vu le jour sur les écrans, en 1962. Pourtant, le film de Robert Wise, adapté d’une comédie musicale écrite pour les planches par Leonard Bernstein, s’est imposé au fil du temps comme une œuvre phare, et un produit de cinématographie que l’on ne cesse d’admirer. Même si certains considèrent cette aventure new-yorkaise comme un tantinet mièvre ou guimauve, elle n’en demeure pas moins une œuvre qui a signé le renouveau d’un genre perdu : le film musical. Non fière de cela, West Side Story s’est à la longue imposé comme un film culte, ou un classique du cinéma, grâce au développement de thèmes qui ne cessent d’être d’actualité, et sont tout autant préoccupants aujourd’hui.
À la fin des années 50, le film musical, dont Gene Kelly est le plus célèbre représentant, s’essouffle peu à peu. Tant et si bien que sa popularité faiblit. Jusqu’ici, la majeure partie des films musicaux créent des histoires rose bonbon, où tout va (presque) bien dans le meilleur des mondes. Autrement dit, elle offre une vision plutôt onirique au spectateur, et ce dernier commence alors à se lasser. Pour sauver le genre, il était donc évidemment nécessaire de le renouveler, de le revoir entièrement.
Dès le 26 septembre 1957, date de sa première représentation sur les planches du Winter Garden Theater, la « comédie » musicale composée par le célèbre Leonard Bernstein et mise en scène par Jerome Robbins se joue sur Broadway. Le cinéaste Robert Wise a alors l’idée de transposer cette tragédie à l’écran, tout en gardant les parties musicales et chantées du spectacle.
Le renouveau se ficelle donc progressivement : Robert Wise est en train de défaire le film musical de son image onirique, voire romantique. Contraste absolu, puisque Wide décide de raconter, sous le rythme des musiques et des compositions de Bernstein, un drame social.
Un drame social forcément tragique puisque West Side Story est en fait une adaptation moderne d’une pièce de théâtre écrite longtemps auparavant par un certain William Shakespeare : Roméo et Juliette. A ces prémices, lorsque le chorégraphe Jerome Robbins souhaite adapter les lignes de Shakespeare de façon moderne, il imagine alors la rivalité entre une famille catholique, immigrée d’Italie, et une famille juive de Manhattan. Au final, tout sera modifié ! L’intrigue se déroulera toujours dans New York, mais opposera deux bandes : les Jets (Américains immigrés pour la plupart de Pologne) et les Sharks (des immigrés d’origine portoricaine). Dans sa comédie musicale destinée aux planches, Robbins et Bernstein abordaient des thèmes sensibles : l’immigration, le racisme et la haine de « l’étranger », mais aussi la déception face au rêve américain.
Robert Wise, conscient de la force que pourra avoir son œuvre, gardera alors pour le film ces mêmes ingrédients. West Side Story s’affirme alors comme un plaidoyer pour la tolérance. D’une part, Wise expose l’intolérance raciale. D’autre part, il dénude un sujet tabou : les inégalités de sexe, entre hommes et femmes. C’est le cas lors de la célèbre chanson « America » où les femmes, fières de leur vie américaine plus libre, tiennent tête aux hommes. Enfin, il y a également, plus timidement montrée, la différence entre les âges : la morale des parents contraste avec celle des générations ultérieures, alors en pleine mutation. West Side Story est alors également l’occasion de démontrer que la haine de l’autre et l’intolérance se transmettent avec une facilité étonnante, de générations en générations.
Toutefois, si West Side Story a été un franc succès, c’est également grâce à l’alliance adéquate entre la représentation picturale et sonore du film. En effet, Robert Wise adopte pour son film un cadrage soigné, et des décors millimétrés. Si les danses, particulièrement modernes, sont parfaitement calibrées par Jerome Robbins (alors coréalisateur du film), la photographie et le montage le sont tout autant. Au tout début de l’œuvre par exemple, il filme depuis le ciel (!) la ville de New-York, une prise de vue novatrice en 1961, surtout pour un film musical. S’ensuit une longue introduction – d’une dizaine de minutes – quasiment muette et entièrement chorégraphiée, mais pourtant riche de sens puisqu’elle pose un contexte nécessaire. Le cinéaste Jacques Demy s’inspirera d’ailleurs de ce début de West Side Story pour ses Demoiselles de Rochefort, dans lequel il emploiera George Chakiris, également au casting du chef-d’œuvre de Wise.
À cela s’ajoute également l’inoubliable musique de Leonard Bernstein dont les airs bien connus résonnent encore aujourd’hui dans les esprits de beaucoup. Peut-être le romantique « Maria », l’insolent « America », ou l’amusant « Gee, Officer Krupke ». Des mélodies efficaces, envoûtantes, et qui accolées aux chorégraphies aériennes des danseurs, époustouflent le spectateur.
C’est donc grâce à ces constantes, ces ingrédients du succès, que Robert Wise se permet de laisser une trace indélébile dans la culture cinématographique, sans pour autant avoir un casting de luxe. En effet, lorsque le film sort sur les écrans, seule l’actrice Natalie Wood, interprète de la charmante Maria, possède alors une notoriété de taille. Tout est néanmoins réuni pour que West Side Story traverse brillamment les années, et s’impose ainsi comme un monument de taille, à la fois divertissant et intelligent. Un classique, justement récompensé par dix Oscars, dont on ne peut se lasser !
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