Le 1er mars 2021
Sorti en 2016, le premier album de ce groupe d’indie pop londonien sonne comme un exercice de style, ni trop mauvais pour qu’on s’en lasse, ni excellent pour qu’on s’embrasse.
- Genre : Pop-Rock
- Groupe : We Used to Make Things
- Label : WUTMT/Wave365Media
- Date de sortie : 9 septembre 2016
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Critique : We used to make things, WUMT pour les intimes, est un groupe enfant de la crise et on ne sait plus trop laquelle. C’est le sentiment de tous les auditeurs nés après la séparation des Beatles et avant l’avènement de Giscard. Ceux-là entendront un album où l’on fredonne, sur des airs furieusement pop, l’insatisfaction et la difficulté de vivre.
Quoi de plus normal, quand on sait que le chanteur, Matthew, a perdu son boulot il y a quelques années, avant de monter sa formation musicale, flanqué de quelques potes ? Le quartette ainsi calibré, généalogiquement relié à ses glorieux ancêtres des sixties - Fab Four et Beach Boys en tête -, s’est enrichi de quelques autres apports musicaux, où les cuivres dominent.
De ce mélange un peu foutraque résulte un premier album qui sonne comme un exercice de style, ni trop mauvais pour qu’on s’en lasse, ni excellent pour qu’on s’embrasse. Ces onze vignettes pop aussi éphémères et mignonnes qu’une bulle irisée dessinent surtout les contours d’une œuvre paradoxale où la morosité induite par les titres -"Colin is unwell", "What are we fighting for", "Love in a minor key"- s’habille souvent de légèreté, voire d’ambiances festives. Le premier morceau, aux faux airs de jam session -"Stillness of an actor"- donne le ton pendant quelques joyeuses secondes, avant de s’engager comme un camion tranquille sur une autoroute pop. Le reste est à l’avenant, savamment sucré, de sorte que l’amertume des paroles ne semble qu’un arrière-goût. L’élégance du malheur, diront certains. Comme si les Zombies chantaient sous Prozac et avec un sourire torve les sentiments que leur procure une époque où l’on se bat, mais avec l’apparence de joyeux drilles psychédéliques.
La simplicité des paroles ne dissimule pas certaines postures énonciatives. La configuration demeure inchangée : des artistes, représentant d’une jeunesse qu’on dit volontiers générationnelle, remplissent le cahier des charges, en extirpant le malaise sous la forme de slogans auto-persuasifs. Et ils prennent l’auditeur à témoin : "We must good, we must be strong" psalmodie le chanteur, trop à l’étroit dans un costume d’homme normal, tenant le miroir où se reflètent, dit-on, les angoisses de notre monde. Rien de nouveau sous le soleil. Cette terre hostile exhorte chacun à survivre.
Et de lutte, il sera question à peu près partout ("It’s safe to say that we’re both soldiers fighting", entend-on sur "What are we fighting for"). Du regret de ne pas être un autre, également : "It’s always the same/I am just an ordinary man" ("I Like therefore I am").
On imagine que, contemporain d’un monde où le chômage domine, Damon Albarn aurait pu poser sa voix sur l’onctueux nappage mélodique de "Yes man" (no no no) ou différer son rendez-vous sur un middle-eight ralenti ("CU next tuesday"). Mais c’est l’ombre des quatre de Liverpool qui recouvre bien des arrangements, jusqu’à la coda mélodique de "Peter Sing !", littéralement calquée sur "Hey Jude". D’autres clins d’œil accusent une dette aux divins de Liverpool : les ruptures de rythme dont WUMT use et abuse, les harmonies vocales parfois très réussies ("Riley’s Keeping Faith"), les inflexions faussement nasillardes du chanteur, en immersion dans un sous-marin jaune ou les claviers so sixties aux couleurs chamarrées.
A la fin pourtant, c’est Neil Young qu’on entend à travers les échos d’une jolie ballade acoustique, "Manchester", morne horizon que le destin assigne. « If I can just get to manchester/Everything will be fine » murmure le refrain, tandis que s’éloigne l’écho des notes, comme un invité qu’on n’a pas vu partir.
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