East Side Story
Le 16 janvier 2010
Avec sur ses épaules une caméra encore jeune, Wakamatsu livre ici à la fin des années 1960 une complainte plus existentielle qu’érotique, et qui reste profondément troublante dans sa peinture dense des pulsions de désir et de mort.
- Réalisateur : Koji Wakamatsu
- Acteurs : Mimi Kozakura, Michio Akiyama
- Genre : Drame, Érotique
- Nationalité : Japonais
- Editeur vidéo : Blaq Out
- Plus d'informations : Le site du DVD
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– Durée : 1h06mn
– Titre original : Yuke yuke nidome no shojo
– Date de sortie DVD : le 6 octobre 2009
– Disponible uniquement dans le coffret Koji Wakamatsu
Avec sur ses épaules une caméra encore jeune, Wakamatsu livre ici à la fin des années 1960 une complainte plus existentielle qu’érotique, et qui reste profondément troublante dans sa peinture dense des pulsions de désir et de mort.
L’argument : Une jeune fille est violée sur le toit d’un immeuble par une bande de voyous, sous les yeux d’un jeune homme resté à l’écart, qui semble impuissant... Le lendemain matin, elle se retrouve seule avec le jeune homme, resté à ses côtés, et découvre qu’il a lui aussi été victime de brimades. Tous deux se lient d’amitié et se rejoignent dans leur envie d’en finir avec une vie qui n’est que désespoir et humiliations...
Notre avis : On ne révèle rien de l’histoire de Va va vierge pour la deuxième fois en partant des quelques images qui lui servent de coda visuelle : des planches d’un manga sanguinolent où des samouraïs tranchent et font valser des membres humains alternent avec des photographies fantomatiques de Sharon Tate enceinte, juste avant son meurtre brutal dans la maison qu’elle partageait à Los Angeles avec Roman Polanski. Ces deux niveaux, fiction et réalité, sont les avatars d’une décennie célébrée comme celle du boom économique et des libérations en tous genres, mais dont le visage se révèle, à travers la culture de masse, douloureusement schizophrénique. Kôji Wakamatsu filme ainsi une chronique de 1969, année dont s’est retiré tout érotisme. Car si Va va vierge pour la deuxième fois remplit ses « obligations formelles » de pinku, ce n’est qu’avec une mauvaise foi sidérante : le sexe y est sale, pressé, empêtré dans ses rites absurdes, associé au viol comme leitmotiv révulsif. Même la grande scène de coït collectif, filmée dans des couleurs criardes et figurant des pratiques plutôt non-conventionnelles (de l’ondinisme au masochisme...), n’a pas de cette exubérance qui fait parfois la truculence joyeuse du genre érotique ; le réalisateur lui donne comme point de départ une humiliation clairement non consentie, à partir de laquelle se déploie un grotesque enchevêtrement de chairs tristes.
Va va vierge pour la deuxième fois est ainsi une ballade désabusée sur une jeunesse aux idées noires, davantage marquée par la logorrhée hallucinatoire et psychotique de la Beat Generation (la chanson-thème du film cite un Norman Mailer à la prose plombante) que par les utopies érotico-écolos des hippies mondialistes, à une époque où le Japon lui-même était secoué de mouvements étudiants particulièrement radicaux - comme Wakamatsu l’a rappelé récemment dans United red army -. Se mouvant dans des fonds psychanalytiques parfois un peu massifs et qui naviguent entre pulsion de mort, volonté de carnage et assouvissement sexuel, le cinéaste trace pourtant un trait incisif, qui fait de l’espace d’un toit d’immeuble, où se déroule l’essentiel de l’action, le lieu d’une angoissante mise au tombeau dont on ressent toute la lenteur et la densité. Pour un film dont le titre voudrait nous faire voir du rose, Va va vierge pour la deuxième fois nous englue dans un noir et blanc à l’image du partage médiatique que la société fait entre Bien et Mal, et que les deux protagonistes tentent de défaire dans un rituel désespéré. Le choix de la musique, qui oscille du folk au jazz planant, contribue à déréaliser un peu plus ce conte de la pleine nuit seulement éclairé par les éclats du couteau que détient l’un des protagonistes. Le titre en forme de comptine paradoxale sonne finalement comme l’illustration troublante de ce que Wakamatsu peint sur sa toile érotique : l’idée que malgré toute la jeunesse et l’innocence du monde, l’homme moderne a irrémédiablement « déjà » fauté.
Le DVD
Le film est disponible dans un coffret qui rassemble des perles, mais malheureusement sans grand souci du détail.
Les suppléments
Un seul qualificatif : minimalistes ! Jean-Pierre Bouyxou signe une "préface" de cinq minutes, qui est un relevé certes judicieux mais très pressé de la plupart des points dignes d’intérêt du film : l’essai a ainsi la fâcheuse caractéristique d’allier des images du film à un commentaire rapide, livrant à la fois trop (si on le découvre en guise d’avant-propos) et trop peu (si on veut aller un peu plus loin).
Image
Des contrastes lumineux qui rendent le noir et blanc de Wakamatsu laiteux et granuleux, dans des scènes de nuit sublimes. Les quelques séquences en couleur sont volontairement très agressives visuellement, et leur colorimétrie ne présente pas de défauts majeurs.
Son
Autant la musique, omniprésente et qui contribue beaucoup à l’ambiance irréelle et désabusée du film, est parfaitement balancée, autant les dialogues du mono d’origine frisent constamment, de sorte que même au volume minimum, écouter la bande-son se révèle véritablement pénible.
Galerie Photos
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