Sur le quai
Le 20 juin 2015
Dans ce chef-d’œuvre du shômingeki renouvelé Gosho est un observateur attentif, intensément impliqué émotionnellement mais sachant accorder leur place aux gestes quotidiens et aux objets non signifiants. Sa vive sensibilité sociale prend la forme d’une sympathie active avec des personnages dont aucun n’est héroïsé mais qui sont simplement admirables et émouvants
- Réalisateur : Heinosuke Gosho
- Acteurs : Shuji Sano, Haruo Tanaka, Mitsuko Mito, Nobuko Otowa, Sachiko Hidari, Hiroko Kawasaki, Eiko Miyoshi, Jun Tatara
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Japonais
- Durée : 2h02mn
- Titre original : 大阪の宿 - Osaka no yado
– Sortie au Japon : 20 avril 1954
– directeur de la photo : Joji Ohara
– Les interprètes et leurs rôles : Shuji Sano (Kyoichi Mita), Nobuko Otowa (Uwabami), Mitsuko Mito (Orika), Hiroko Kawasaki (Otsugi), Sachiko Hidari (Oyone), Eiko Miyoshi (la propriétaire de l’hôtel), Haruo Tanaka (Le directeur), Toshio Hasakawa (Tawara), Michiko Megumi (Kimiko Imoto), Hyo Kitazawa (Imoto), Kyoko Anzai (Omitsu), Toranosuke Ogawa (Noro), Jun Tatara (Ossan)
Dans ce chef-d’œuvre du shômingeki renouvelé Gosho est un observateur attentif, intensément impliqué émotionnellement mais sachant accorder leur place aux gestes quotidiens et aux objets non signifiants.
Sa vive sensibilité sociale prend la forme d’une sympathie active avec des personnages dont aucun n’est héroïsé mais qui sont simplement admirables et émouvants
L’argument : A la suite d’un conflit avec un supérieur, Kyoichi Mita, employé dans une compagnie d’assurances, est muté de Tokyo à Osaka. A la recherche d’un logement bon marché, il fait la connaissance, dans un bar, d’Ossan, qui lui recommande une modeste auberge du quartier de Tokabori, tenue par une veuve qui s’avèrera par la suite n’être autre que la propre soeur d’Ossan.
Trois servantes travaillent à l’auberge : Otsugi, qui doit réunir chaque mois la somme nécéssaire pour l’éducation de son fils ; Orika à qui son mari, chômeur, ne cesse de réclamer de l’argent ; Oyone, la plus jeune, insouciante et prompte à flirter avec les clients.
D’autres personnages vont croiser la route de Mita : la jeune Omitsu qui vit dans la misère avec son père gravement malade ; Tawara, un collègue qui démissionera pour rester un homme honnête à ses propres yeux ; Imoto qui contracte des dettes auprès du patron de la compagnie d’assurances pour maintenir à flot sa petite entreprise ; la courtisane Uwabami qui lui fait des avances, ...
Notre avis : Après les admirables Wakare gumo – Nuages épars, Asa no hamon – L’agitation du matin et Entotsu no mieru basho – Les quatre cheminées, tous trois réalisés dans le cadre de sa compagnie indépendante Eight Prod., Heinosuke Gosho concrétisait enfin avec la Shintôhô le projet d’adaptation d’un roman de Minakami Takitaro mis en chantier dès 1948, alors que le grand mouvement de grève dont il avait pris la tête venait d’aboutir à la création de cette nouvelle Tôhô.
Osaka no yado s’inscrit, comme les films précédents, dans la veine d’un shomingeki renouvelé qui n’est pas sans parenté avec le néo-réalisme italien et qui s’efforcait, selon une déclaration du cinéaste citée dans Le cinéma japonais de ses origines à nos jours (Cinémathèque Française, 1984), de ne pas simplement reconduire ce « cinéma du petit peuple » baignant dans l’humour et une certaine mélancolie, … que nous prenions tant de plaisir à faire aux heures glorieuses de la Shôshiku à Kamata, mais d’inventer un nouveau « rire » et de nouvelles « larmes » qui, sans nier la guerre et ses profondes séquelles, se serait enracinés dans la vie du peuple et sa volonté de vivre pleinement ces temps nouveaux.
- Osaka no yado - Gosho 1954
C’est d’abord la forte présence du fleuve (ou d’un canal) qui contribue à donner à ce film souvent drôle et enjoué une ampleur, un recul, une tonalité profondément mélancolique. Dans les scènes qui se déroulent sur les quais animés (de jour, lorsque les servantes y font la lessive) ou déserts (de nuit, quand on voit seulement passer quelques bateaux), les personnages sont vus par moments de loin, perdus dans un espace trop vaste pour eux.
La même impression est perceptible lors de la séquence de visite du fameux château, emblême de la ville, alors que dans l’auberge règne une sensation de promiscuité, de non cloisonnement et de circulation intense. La caméra accompagne les incessants déplacements d’une pièce ou d’un étage à l’autre ; souvent quelqu’un observe du fond la scène qui se déroule au premier plan ; le protagoniste, essayant de se raser en paix dans le couloir est assailli par le frère de la propriétaire qui essaie de lui vendre du cirage, puis par la propriétaire elle-même, chacun lui touchant un moment l’épaule pour enlever un fil.
- Osaka no yado - Gosho 1954
S’il n’hésite pas à souligner le passage impromptu du comique au drame (et vice versa) par sa mise en scène et le recours à la musique, Gosho prend soin de ne jamais se laisser prendre au piège du pathos facile ou de la solennité compassée. Il reste avant tout un observateur attentif, intensément impliqué émotionnellement mais sachant accorder leur place aux gestes quotidiens et aux objets non signifiants.
Sa vive sensibilité sociale n’est pas au service d’un discours sociologique. Elle prend la forme d’une sympathie active avec des personnages dont aucun n’est héroïsé mais qui sont simplement admirables et émouvants, à commencer par le Mita de Shûji Sano, doux et posé mais nullement passif (ce qui lui vaudra d’ailleurs, à la fin, dêtre à nouveau transferé), Omitsu, l’écorchée vive (Kyoko Anzai) qui rejette son aide, ou la flamboyante Uwabami de Nobuko Otowa, désabusée mais à la vivacité, au panache à toute épreuve.
- Osaka no yado - Gosho 1954
Bien que sélectionné au Festival de Venise de 1954, Osaka no yado n’a pas acquis, hors du Japon, une notoriété comparable à celle du film précédent du réalisateur, (D’où on voit) les quatre cheminées. Il est pourtant encore plus beau et confirme que Gosho est bien l’égal de ses contemporains Shimizu, Ozu, Naruse ou Mizoguchi, c’est à dire des plus grands.
Galerie Photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
Haruka 4 février 2020
Une auberge à Osaka (Osaka no yado) - La critique
Ce doit être une ville de Osaka méconnaissable comparée à aujourd’hui, à part peut-être le quartier de Shinsekai qui je crois existait déjà à cette époque.