Prix du livre Inter 2002
Le 11 juin 2002
Une histoire d’amour composée comme un thème de jazz.


- Auteur : Christian Gailly
- Editeur : EDITIONS DE MINUIT
- Genre : Roman & fiction, Littérature blanche
- Nationalité : Française
- Prix : PRIX INTER

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Le pianiste Simon Nardis a quitté le jazz pour Suzanne. Il a tout fait pour l’oublier, mais le jazz l’a rattrapé. Et avec lui la passion pour Debbie. Un soir au club, de Christian Gailly, lauréat du prix du Livre Inter 2002, est une histoire d’amour composée comme un thème de jazz. Vibrant.
"Ne défendre que ce que l’on entend" : telle était la règle de Jérôme Lindon. Décédé en avril dernier, le patron des éditions de Minuit n’aura pas eu à défendre Un soir au club, de Christian Gailly, paru récemment sous la couverture à l’étoile bleue. Mais ses héritiers sont restés dans la ligne : porté par une écriture musicale, ce passionnant roman s’entend, s’écoute plus qu’il ne se lit.
Un soir au club raconte un peu de la vie de Simon Nardis. Un déserteur, ce Nardis : pour Suzanne, sa femme, il a quitté le jazz auquel il offrait avec génie ses mains de pianiste. Il en a fermé le couvercle parce que "le jazz n’incite guère à bien se tenir", parce qu’une nuit, il y aurait laissé sa vie si Suzanne n’était pas venue le chercher. Alors il est devenu réparateur de chauffages industriels, s’est mis à la musique classique et a essayé d’oublier le jazz.
Le jazz, lui, n’a jamais oublié Simon Nardis. Il l’a rattrapé dix ans plus tard, un soir, dans un club, par hasard. Il l’a remis devant un piano et les mains de Nardis ont joué. Pas tout de suite : "Il faut imaginer ces mains, au-dessus du clavier, qui tremblent, et Simon qui, toutes les quinze secondes environ, les cache derrière son dos, puis les montre à nouveau, les offre au piano, les lui propose, l’air de lui dire : Je t’ai abandonné mais je reviens." Avec le jazz est revenue la passion. Pas pour Suzanne, mais pour Debbie, la patronne du club, chanteuse venue trouver Simon sur scène : "C’est une chanson. Qui nous ressemble. Toi qui m’aimais. Moi qui t’aimais. Nous vivions tous. Les deux ensemble. Et cet idiot de Simon ému aux larmes l’accompagnait." Simon et Debbie se sont aimés, se sont mariés. Mais Simon n’a pas abandonné Suzanne : "Les circonstances l’ont laissé libre."
Christian Gailly, qui a donné dans le saxo, ne fait pas que baigner son onzième roman dans le jazz. Il le compose en mêlant à une concision de toute beauté répétitions, errements, accélérations, attentes, renvois, improvisations, variations. Il joue un thème de plus de 170 pages avec tellement de brio qu’on en viendrait presque à glisser Un soir au club dans son lecteur de disque-compact. S’entendraient alors quelques notes de Miles Davis (Nardis était l’un de ses thèmes), de Coltrane (auquel le narrateur fait plusieurs fois allusion) ou de tout autre jazzman écrivant ses pages en liberté. Le prix du Livre Inter que Gailly vient de recevoir redonne du souffle à un roman qui, vraiment, n’en manquait pas.
Christian Gailly, Un soir au club, Editions de Minuit, 2001, 174 pages, 11,90 €