Notre avis : Ce thriller romanesque, premier ouvrage de son auteur, prend à la gorge dès les premières lignes, qui décrivent l’enterrement d’un salaud : Philip Rochester, conjoint odieux, homme à femmes, les méprisant toutes, père d’un petit garçon, Alistair, que la narratrice cherche avant tout à préserver. Tous les chapitres sont organisés comme un compte à rebours vers l’issue fatale, alignant les éléments d’un puzzle en forme d’indices biographiques. La tension montre graduellement, de la soumission à la vengeance, suite logique d’une haine suscitée et finalement désirée dans un élan masochiste par un manipulateur patenté. Routine au pays du suspens ? Sans doute, mais la trame demeure efficace, surtout lorsqu’elle s’accommode d’un trio de femmes vindicatives, liguées pour organiser la perte de leur bourreau. Le récit fait converger des intérêts communs et -dans un premier temps- des rivalités tout aussi puissantes entre les trois victimes. Quant à Philip, forcément insoupçonnable, protégé par son statut de policier, il est à la fois le référent et le repoussoir qui divisent d’abord les personnages féminins : si elles s’acharnent à vouloir éliminer le nuisible, elles se surprennent aussi à jalouser celle qui en était la favorite, avant de conclure une alliance indéfectible, tandis que le croquemitaine, dans un premier temps séquestré, redevient, en s’échappant, un harceleur impitoyable.
Le récit a le bon goût de ne pas en rajouter dans les effets, plutôt d’esquisser des gestes ou des postures en quelques traits souvent ravageurs, avec une distance ironique qui empêche toute forme de pitié vis-à-vis des uns et des autres, prend même la forme d’une saine auto-dérision ("ma mère était adepte de la gifle verbale et j’étais douée pour tendre l’autre joue") et accroît le trouble vénéneux que suscite cette histoire. Si la narration accuse parfois la paresse de quelques clichés stylistiques ("un sourire se dessinait au coin des lèvres") ou de quelques aphorismes indigents ("la mort est un marqueur de la vie. Il y a un avant et un après."), l’ensemble emporte l’intérêt. A mesure que la tension dramatique se noue, les scènes spectaculaires se succèdent, plutôt haletantes, dont on perçoit tout de suite la potentialité visuelle. En somme, Un homme parfait constitue une bonne surprise. On attend le prochain Jo Jakeman avec impatience.