Un film parlé - Manoel de Oliveira - critique

Critique : Professeur, Rosa Maria évolue avec sûreté dans un monde théorique. Par un désir d’informer sa fille sur les dangers du monde et le bellicisme humain, elle lui présente les lieux où le savoir occidental est né. Elle accompagne ces visites de commentaires pédagogiques rodés durant ses cours, pensant ainsi lui donner une force qui lui permettra d’affronter l’âge adulte. Mais Rosa Maria ne souhaite pas confronter directement l’enfant au monde extérieur et la coupe des relations qui auraient pu apporter un complément au discours maternel. Pensant la protéger, elle va à l’encontre de ses désirs d’émanciper la petite fille et ne lui laisse jamais la liberté de penser. Symbole de la pureté, Maria Joana reçoit un savoir qu’elle ne peut intégrer et qui va la pervertir. Les connaissances ne suffisent pas pour comprendre l’esprit humain, l’expérience de la réalité est essentielle. Les certitudes de Rosa Maria l’isolent dans une incommunicabilité qui perturbe l’équilibre babélien et causeront sa perte.

Le réalisateur a choisi de centrer son film sur la parole. Les images des monuments ou des lieux servent de supports aux propos, soulignant les pulsions destructrices, la mégalomanie et le génie de l’homme. Il stigmatise aussi l’unicité occidentale appuyée sur une appartenance à un berceau culturel commun. Malgré une narration souvent naïve, Un film parlé reste une œuvre agréable à suivre. Manoel de Oliveira a passé l’âge où l’on se préoccupe des critiques. Son vingt-sixième film est celui d’un cinéaste de 95 ans qui est aujourd’hui le plus vieux réalisateur encore en activité. Il ne cherche plus à éblouir ni à donner des leçons mais propose avec simplicité une lecture personnelle de l’Histoire.