Escale d’été : Cuba
Le 17 juillet 2002
Gutiérrez nous jette sa ville à la tête sans ménagement, dans une langue crue, libre, étourdissante.
- Auteur : Pedro Juan Gutiérrez
- Editeur : Albin Michel
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Cubaine
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Cuba ? Laissez-moi réfléchir... Les plages interminables de Varadero ? Les discours-fleuve de Fidel ? Le mojito ?.... Les cigares ! Où avais-je la tête ! Ah ! Et puis aussi, la salsa, le Malecon, Che Guevara... On a déjà tout vu, dans Buena Vista Social Club, et puis il y a Zoé Valdés, la plus cubaine des Parisiennes, qui nous découpe de temps en temps une petite tranche de quotidien, histoire qu’on sache qu’il y a autre chose... Mais j’y pense ! Où sont les Cubains ?
Les Cubains ?... Ils s’entassent dans des palais en ruine, sans eau, sans électricité... Ils élèvent des cochons dans des arrière-cours fétides, partagent à dix des toilettes bouchées, s’inventent des métiers aussi improbables qu’indispensables pour trouver le dollar qui les fera survivre. Et le pire devient normal parce qu’on s’habitue à tout... A la misère, à la faim, à vivre sans projets, sinon celui du prochain repas, à ce que les journées ne soient qu’un parcours d’obstacles à la recherche du minimum vital. Mais surtout parce qu’il y a une chose que personne ne pourra leur enlever, c’est le sexe !
La Trilogie sale de La Havane, ce sont trois volets, comme des instantanés entre histoires fantastiques, portraits et autobiographie. C’est l’image truculente d’une ville à la dérive où tout est soluble dans le rhum et la fesse, surtout le désespoir. Les femmes sont rondes, chaudes et généreuses, et les hommes ont tous de quoi les satisfaire ! Les Cubains par leur simple anatomie, bien sûr, les gringos par leurs dollars... faute de mieux ! Les femmes cherchent fortune sur le Malecon en combinaisons lycra marché noir, les hommes optimisent leur anatomie à la sortie des hôtels de luxe.
Pedro Juan Gutiérrez nous jette sa ville à la tête, de plein fouet, sans ménagement, dans une langue crue, libre, étourdissante. Sa Havane à lui c’est celle du corps ! La faim, l’insalubrité, les heures perdues à la recherche d’un dollar ou d’un morceau de pain, la promiscuité, la prison, quand on a la malchance de tapiner au mauvais endroit. Et puis il y a le plaisir, la jouissance des corps, une des dernières choses en libre circulation, au paradis castriste. Alors ils baisent, furieusement, compulsivement, parce que ça fait du bien, parce que c’est gratuit ! Et d’ailleurs, Pedro Juan a cessé de se poser des questions. Il prend ce qui arrive comme ça arrive, en essayant de ne pas penser ! Il a ses bonnes adresses, pour le "bizness", pour la nourriture, et pour le cul ! Pour le reste, on essaie de ne pas tomber dans la déprime...
La Trilogie sale de La Havane, c’est un peu comme un juste retour des choses, comme pour équilibrer l’image, certes séduisante mais un brin trop sucrée, de papis-chanteurs ou d’une révolution idéale. C’est une grosse claque de quotidien, balancée à toute volée, arrachée à la vraie Havane, et ça sent encore la merde, le foutre et la sueur.
Pedro Juan Gutiérrez, Trilogie sale de La Havane (Trilogia sucia de La Habana, traduit de l’espagnol par Bernard Cohen), Albin Michel, 2001, 425 pages, 21,30 €
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