Inimitable Delbourg
Le 19 décembre 2005
Plus sarcastique que jamais, Patrice Delbourg nous entraîne dans une saga du tertiaire éminemment poétique et criante de vérité.
- Auteur : Patrice Delbourg
- Editeur : Le Cherche-Midi
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Française
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Urbain Azbine, comment vous dire, c’est un drôle d’oiseau à qui rien n’échappe et que le moindre signe de la ville interpelle. Un jeune poète qui, au gré de ses déambulations parisiennes, joue aussi bien du flegme et de l’élégance du dandy que de la raillerie du laissé-pour-compte. Quinze ans d’une vie passée à supporter les bisbilles d’une famille possessive, aux côtés de deux aïeules qui se disputent le titre de la meilleure fleuriste, forcément ça n’aide pas pour la suite. Du XVIe arrondissement au cœur du Marais, tout y passe, bourgeois, commerces, et famille. Sans oublier les femmes et les fleurs, bien sûr, causes profondes de son mal-être et du massacre végétal auquel il ne va pas tarder à se livrer.
Adorateur de mots, poète et romancier hors pair, l’incontournable Patrice Delbourg [1] signe encore une fois une œuvre à la hauteur de son humour et de son talent gigantesques. Avec Toujours une femme de retard, récit ô combien loufoque et réaliste, l’auteur renoue avec les classiques du genre : Aragon, Vian, Queneau, en passant par Molière et Zola. Peinture de la fracture sociale des années soixante entre petits bourgeois et petits commerçants, la saga du tertiaire n’a pas d’âge. Des beaux quartiers aux halles, la description omniprésente, dans le récit, des mœurs familiales, nous plonge directement dans les romans fleuves du XIXe siècle. Les statues, cafés, pommeaux de nacre et miroirs guillochés défilent comme le souvenir d’une écriture surréaliste. L’oisiveté de son personnage principal, beaucoup plus aimant qu’il n’y paraît, ne sont pas, en effet, sans rappeler les rêveries déambulatoires du jeune paysan de Paris [2], en quête d’émerveillement, et qui ne cache pas sa rancœur envers les femmes, ses soi-disant amis, et la mainmise d’Haussmann sur les petits commerçants.
Moins virulent qu’Aragon, plus ironique que Zola, Patrice Delbourg surprend, renverse, déconstruit. Point d’ascension personnelle, point de femme comme religion. L’amoureux des mots et le joyeux saltimbanque glisse avec autant de facilité sur les allitérations, les reprises et les joutes verbales que sur un langage tonitruant que l’on jurerait familier. Une boulimie de dires et un sacré "exercice de style", à vous donner plus d’une fois le vertige, certes. Mais une satire sociale sarcastique à souhait qui, sous le jeu de la langue, se penche sur les revers de la modernité. Un écrivain bourré de dons, grand témoin de son temps, comme on les aime.
Patrice Delbourg, Toujours une femme de retard, Le Cherche Midi, 2005, 232 pages, 15 €
[1] Complice des "Papous dans la tête" sur France-Culture, animateur d’ateliers d’écriture, Patrice Delbourg a publié une trentaine d’ouvrages. L’Ampleur du désastre, aux éditions du Cherche Midi (1995), a obtenu le prix Apollinaire en 1996
[2] Aragon, Le paysan de Paris, Gallimard, 1926
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