Tirez sur le pianiste - François Truffaut - critique

Critique : Suite de la rétrospective François Truffaut avec son deuxième film Tirez sur le pianiste (1960). Après le succès des Les 400 coups, le réalisateur veut prendre les spectateurs à contre-pied en adaptant un roman de série noire de l’Américain David Goodis intitulé Down There. "Tirez sur le pianiste", je crois que je l’ai fait pour une image. Dans le livre de David Goodis, à la fin, il y a une petite maison dans la neige, des sapins et une petite route en pente : on dirait que la voiture glisse sur cette route sans que l’on entende le bruit du moteur. J’ai eu envie de réaliser cette image. Truffaut a eu aussi envie de rendre hommage au cinéma américain et à tous ces polars d’après-guerre qui ont déferlé sur les écrans français.
La plupart des codes du genre sont effectivement présents : un pianiste au passé douloureux, deux gangsters rancuniers, une jolie blonde et quelques coups de feu. Truffaut cependant préfère jouer avec ces figures imposées ; il n’apprécie pas plus que cela le genre ("Je n’aime pas Lino Ventura !", lance-t-il dans l’un des suppléments) et saisit l’occasion pour l’aménager à son goût.
Ainsi, le thème central de Tirez sur le pianiste devient les femmes. Tous les personnages du film ont une théorie sur la gent féminine, du plus timide au plus grossier. Truffaut ne veut pas paraître irrespectueux envers le polar, juste ironique. Il soigne de fait sa mise en scène. A l’époque, il est séduit par le style d’A bout de souffle de Godard. "Il était fasciné par la méthode de tournage de son camarade, explique le chef opérateur de l’époque Raoul Coutard. Il avait envie de faire comme lui, un film léger tourné comme un reportage."
En ce sens, Tirez sur le pianiste est sûrement le film de Tuffaut qui s’apparente le plus à la Nouvelle Vague. A la différence de la forme documentaire des Les 400 coups, Tirez sur le pianiste ose des plans nouveaux, des jeux de flash-back et de montage. On décèle un sentiment de liberté dans la mise en scène de Truffaut, une volonté d’expérimenter tout en respectant le spectateur.
Comme à son habitude concernant Truffaut , MK2 Editions étalent sur la galette de nombreux bonus. Commentaires audio de Marie Dubois et de Raoul Coutard, interview en 1965 et 1982 (surprenant !) de François Truffaut sur le film et l’auteur Goodis, bouts d’essais des acteurs. C’est extrêmement complet, les anecdotes ne manquent pas, et cela permet d’entrevoir le parcours que souhaitait se dessiner Truffaut .