Le 5 novembre 2024
À l’heure où #MeToo dénonce avec rage les ravages du machisme forcené dans le monde du spectacle et du cinéma, The Substance en rajoute dans les dérives du jeunisme à tout cran. Un film hors norme et gigantesque pour une sélection officielle à Cannes.
- Réalisateur : Coralie Fargeat
- Acteurs : Demi Moore, Matthew Géczy, Margaret Qualley, Hugo Diego Garcia, Gore Abrams
- Genre : Comédie dramatique, Épouvante-horreur
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Durée : 2h20mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
- Date de sortie : 6 novembre 2024
- Festival : Festival de Cannes 2024
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– Festival de Cannes 2024 : Sélection officielle, en compétition
– Cannes 2024 : Prix du scénario
Résumé : AVEZ-VOUS DÉJÀ RÊVÉ D’UNE MEILLEURE VERSION DE VOUS-MÊME ? Vous devriez essayer ce nouveau produit : The Substance. CELA A CHANGÉ MA VIE. Avec The Substance, vous pouvez générer une autre version de vous-même, plus jeune, plus belle, plus parfaite… Il suffit de partager le temps. Une semaine pour l’une, une semaine pour l’autre. Un équilibre parfait de sept jours. Facile n’est-ce pas ? Si vous respectez les instructions, qu’est ce qui pourrait mal tourner ?
- © Festival de Cannes 2024. Tous droits réservés.
Critique : The Substance aurait pu avoir sa place au Festival du film fantastique de Gérardmer tant il se plaît à détourner le genre du cinéma d’horreur et du cinéma expérimental. Le deuxième long-métrage de Coralie Fargeat s’engage dans un projet de la démesure où les héroïnes, guidées par la nécessité de rester jeunes, sont capables de tous les excès. C’est ce qui amène Elizabeth Sparkle, une ex-actrice qui a connu la gloire de Hollywood, aujourd’hui animatrice sur une émission sportive de télévision, en passe de perdre son boulot, à tester un produit miracle qui la garderait jeune pour l’éternité. La règle paraît simple a priori : on s’injecte un produit qui crée un avatar dans son propre corps et on alterne ainsi, une semaine sur deux, avec le corps jeune de l’une, et le corps âgé de l’autre. Le traitement est exigeant, car il s’agit de nourrir le corps de celle qui dort pendant sept jours avec des produits en pochette, et pour l’avatar de s’injecter une partie de moelle épinière recueillie dans le dos de la matrice.
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Le film s’inscrit dans la tradition du pacte maudit de Faust, la matrice se mettant en dépendance avec son avatar, au prix d’une jeunesse et d’une vie éternelle. En même temps, la réalisatrice française met en garde contre le star-système, et peut-être tous les milieux du business, qui cultivent l’exception corporelle à travers des jeunes femmes qui doivent être filiformes, toujours souriantes, d’une beauté universelle. Le pacte que signe Elizabeth pour poursuivre son existence de star adulée par tout le monde, n’est pas avec le Diable à proprement parler, mais une mystérieuse société de biotechnologie qui joue avec la fragilité, la peur de mourir et le désir de plaire indéfiniment. La réalisatrice française met en garde les mannequins anorexiques, les jeunes en mal de gloire, dans un système où l’on n’a pas le droit de vieillir, de s’affadir et de se montrer vulnérable.
Pour mener à bien son projet, la cinéaste explore le genre du fantastique, de l’horreur et de la critique sociale. C’est un long-métrage très bruyant, très méticuleux, qui recueille des sonorités incongrues et les explose. La caméra s’attache à des organes, des aspérités corporelles, des tics de comportement qu’elle fait évoluer jusque la monstruosité. Car The Substance est un film de monstres à la manière d’Elephant Man ou de Freaks, la monstrueuse parade que la réalisatrice cite explicitement. Son personnage principal évolue vers une forme d’animalité terrible, qui, au lieu de répondre à son projet initial, la relègue encore plus aux bas-fonds de la solitude et de l’horreur de soi.
The Substance est peut-être le film le plus original de la compétition officielle cannoise de 2024. C’est une œuvre gigantesque, tortueuse, qui n’hésite pas à faire couler des litres d’hémoglobine ou déformer les corps jusqu’à en devenir abject. La violence physique et psychologique que le personnage principal s’impose résonne d’autant plus que son avatar, une jeune femme parfaite, aimée de tous, renforce son alter ego dans la haine de soi et le désarroi. À ce propos, Coralie Fargeat filme parfaitement l’appartement où habite Elizabeth : c’est un lieu certes très luxueux, mais sinistre, glacial, où le sentiment de solitude et de tristesse est aussi puissant qu’il est magnifique. La salle de bain occupe une place très importante dans ce récit d’horreur, puisque c’est dans cet endroit aseptisé que les échanges de matières corporelles s’opèrent. On pense alors au conte de Blanche-Neige avec d’un côté la jeune femme superbe, jeune et de l’autre la Reine qui refuse de voir la beauté s’effacer de son visage.
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The Substance est une œuvre maléfique, savamment menée par Coralie Fargeat. Bien qu’il ne s’agisse que de son second long-métrage, elle fait montre d’une maîtrise absolue de son sujet et de la mise en scène. Le montage est ingénieux, permettant d’explorer au quotidien toutes les facettes de la monstruosité humaine qui s’accompagnent de bruits à la limité de la répugnance. Demi Moore, Margaret Qualley et Dennis Quaid s’immiscent parfaitement dans cet univers qui pourrit de l’intérieur à cause d’un capitalisme ravageur qui n’a jamais assez d’argent et d’une jeunesse qui se voudrait toujours plus éternelle.
Jamais on n’aura vu à Cannes dans la sélection officielle de film aussi entier, aussi brutal, aussi tératologique. Il y a une jouissance de la monstruosité et une dénonciation, pour le coup politique, du sort réservé aux comédiennes par ces producteurs ou réalisateurs sans scrupule. Même Titane semble timide et gentillet face cette exaltation de la difformité et de la gérascophobie. The Substance n’est pas un film comme les autres, c’est un film monumental.
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