Le 7 janvier 2019
Le sixième album anglais des Stones est un des moins aimés. Une réhabilitation s’impose, même si l’on ne crie pas pour autant au chef-d’oeuvre.
L'a écouté
Veut l'écouter
Sortie : le 8 décembre 1967
Notre avis : C’est sans doute l’album qui pousserait un fan des Fab Four à railler le célèbre groupe rival. En citant le titre à rallonge, en vitupérant la pochette surréaliste, réminiscence de Sergeant Pepper. Bref, l’affaire serait expédiée par une punchline : quand les Beatles toussent, les Stones s’enrhument. Effectivement, une écoute un peu hâtive disqualifie cette production 67 tardive (décembre, en l’occurrence). On s’aperçoit que six mois après le raz-de-marée Sergent Poivre, Jagger et les siens suivent laborieusement le train d’une révolution pop à laquelle ils ne sont pas censés donner des gages. Comme si les cinq rockeurs, enfants naturels de Robert Johnson, Muddy Waters et Chuck Berry, s’étaient trompés de combat. Alors pourquoi ? Parmi les hypothèses que profilent les longs mois dévolus à l’enregistrement, une interprétation tient la corde : les Stones manifestent la volonté d’en découdre avec à peu près tout ce qui, de près ou de loin, incarne l’institution : la police anglaise qui harcèle les membres du groupe, Sa Gracieuse Majesté, remerciée de manière sardonique et... les petits gars de Liverpool derrière lesquels les Stones ont couru pendant toute la période des sixties.
Mais il y a pire : durant l’année 1967, chacun-e- cherche à produire l’album ultime, pierre angulaire d’une période. Love s’y essaie avec Forever changes, Brian Wilson abandonne Smile, qui deviendra une des plus fameuses arlésiennes de la pop, le groupe de Ray Davies égrène les pépites de Something Else by the Kinks dans une relative indifférence. Pas de raison que les Stones ne s’acharnent pas.
En entamant leur tour de piste, les cinq mauvais garçons amputent une potentielle fanfare qui aurait, pour le coup, sonné comme la première oeuvre du mythique concept album des Beatles : Sing this all together se reconfigure en folk song enjoué, mais relativement anodine. Ca s’arrange avec Citadel, mis en selle par un riff énergique, même si, là encore, on ne peut pas dire que la chanson se distingue d’une composition mainstream des Stones. Il faut attendre In another land pour quitter l’autoroute : l’unique composition de Bill Wyman au sein du quintette est une délicieuse sucrerie nappée de psychédélisme, que soutiennent des choeurs grégoriens. Ce trip auditif, béni par les Dieux du LSD, éclipse quasiment tous les autres morceaux de l’album, si l’on excepte le célébrissime She’s a rainbow, sublimé par le piano électrique de Nicky Hopkins et dévalué par quelques exploitations commerciales.
Les autres compositions n’atteignent jamais cet Everest de pop inspiré. Toutefois, elles ne déméritent pas, au point que, par certains aspects, elles semblent marcher sur les traces du premier opus de Pink Floyd,The Piper at the Gates of Dawn, privilégiant les mêmes distorsions, retournant le gant du Flower Power pour en dévoiler les coutures, comme le fera un peu plus tard le Velvet Underground. A cette aune, 2000 lights years from home serait la bande sonore nauséeuse d’un voyage hallucinogène, qui donne plutôt envie de descendre du manège. On devrait se quitter là-dessus, plutôt en empathie avec le groupe, si l’ultime chanson, On with the show, ne venait tout gâcher par son anachronisme -imaginer l’introduction d’un spectacle à la fin de la représentation, quelle idée-.
A moins que, pour clore la visite de ce cabinet des curiosités, les Stones n’aient choisi d’assumer l’ombre portée des Fab Four en lui adressant une grimace.
Their Satanic Majesties Request, [The Rolling Stones] (Decca/ABKCO -Royaume-Uni-, London/ABKCO -États-Unis-), 1967.
1. Sing This All Together 3:46
2. Citadel 2:50
3. In Another Land 3:15
4. 2,000 Man 3:07
5. Sing This All Together (See What Happens) 8:33
6. She’s a Rainbow 4:35
7. The Lantern 4:23
8. Gomper 5:08
9. 2000 Light Years from Home 4:45
10. On With the Show 3:39
Michael Cooper ℗© 1967 Under exclusive license to Decca/ABKCO
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.