Le journal secret d’une call-girl
Le 13 mai 2011
Soderbergh trouve la spontanéité d’un regard neuf dans cette esquisse d’un Manhattan sexy vicié par l’angoisse et la crise.
- Réalisateur : Steven Soderbergh
- Acteurs : Sasha Grey, Chris Santos, Mark Jacobson
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Date de sortie : 8 juillet 2009
- Plus d'informations : Le site du distributeur
– Durée : 1h17mn
Soderbergh trouve la spontanéité d’un regard neuf dans cette esquisse d’un Manhattan sexy vicié par l’angoisse et la crise.
L’argument : Chelsea est call-girl de luxe à Manhattan. A ses clients, elle offre bien plus que de banales relations sexuelles : elle leur propose d’être pour eux la compagne d’un soir. C’est la "Girlfriend Experience"... Chelsea est convaincue de maîtriser sa vie. Son business marche bien, elle gagne 2000 dollars de l’heure et son petit ami accepte même sa manière de vivre. Mais quand on multiplie les rencontres, on ne sait jamais sur qui l’on va tomber...
Notre avis : En cette ère cinématographique de tendance irrépressible à l’épopée pompeuse et monumentale, difficile d’oser la forme brève au sein d’un long-métrage. Et pourtant, c’est le parti pris de Soderbergh, encore frais des arnaques de la série des Ocean’s et d’un biopic un peu déconfit sur le Che, de reprendre une bouffée d’air frais sous la forme d’un instantané new-yorkais, quasi-intimiste, qui peut évoquer les récents Shortbus ou The pleasure of being robbed. Sauf que la saisie furtive et photographique n’est ici nullement l’occasion de s’émerveiller du goût charnu mais fugace de la vie citadine : Manhattan en talons hauts a perdu de son lustre avec la crise financière, et les golden boys de Wall Street ont viré dans des tons très blues. Le cinéaste s’attache donc surtout à capturer l’amertume qui domine la société américaine en cet automne très concret de marasme économique et de pré-élections, ce qui lui permet de mettre en relief sous un angle étonnant les deux thèmes qui comptent vraisemblablement parmi les plus vieilles préoccupations de l’humanité : le sexe et l’argent. Soderbergh filme sans fascination les hôtels luxueux et les bars branchés, mais aussi sans jugement moral, comme si rester en retrait s’imposait pour laisser au spectateur la liberté de s’imprégner de cette atmosphère avant de se faire sa propre opinion. Face au quotidien finalement très professionnel de Chelsea, l’escort-girl qui se vend sous sa propre étiquette marketing de fille “sophistiquée”, on hésite entre l’amusement et le malaise léger qui nous persuade qu’il y a là, au fond, une perte totale de repères, où les frontières entre vie personnelle, corps et cash volent dans un chaos généralisé.
The girlfriend experience a le mérite de ne jamais prendre la voie, critique mais parfois pesante, de la démonstration ou de la dénonciation. Soderbergh fait fonctionner son film par fragments et aperçus, qui dialoguent, entre de manière plus ou moins convaincante dans une chronologie déformée qui navigue d’un personnage à un autre, en tenant comme fil directeur les personnages de Chelsea et de son petit ami Chris. En choisissant une actrice de films pornographiques et un acteur novice, le réalisateur a peut-être voulu retrouver une spontanéité et une naïveté aux antipodes des stars surexposées de ses films les plus récents. Leur neutralité ou leur manière de se laisser capter par l’instant en devient parfois confondante et troublante. Nous ne sommes pas dans l’univers fièrement cynique, sado-maso d’un American Psycho ; la crise dénude les rois en même temps qu’elle vide leurs poches. La caméra de Soderbergh semble avoir retrouvé une qualité de regard qui s’était étiolée dans le pathos hollywoodien ; elle s’égare sur un paysage urbain, le flou d’un feuillage ou un détail lumineux, servie par une photographie tantôt chaleureuse, tantôt à la hauteur des désillusions émotionnelles des protagonistes qu’elle cherche à cerner. Au cours de l’une des rares séquences qui s’échappent du cocon new-yorkais, nous découvrons un hôtel luxueux de Las Vegas, et le point de vue glisse sur une réception élaborée dans toute sa superficialité, avec cocktails, magnats en costume et filles en robe légère. Clin d’œil et auto-dérision d’un cinéaste habitué à filmer ces lieux et à renforcer leur pouvoir auratique en les peuplant de George Clooney et de Brad Pitt ? Le changement de ton est en tout cas réussi.
- © 2929 Entertainment
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Norman06 13 juillet 2009
The girlfriend experience - La critique
Dispositif captivant qui confirme l’éclectisme de Soderbergh, avec ici un retour aux sources proche de l’esprit de Sexe mensonges et vidéo. Curieusement snobé par une certaine presse institutionnelle qui lui préfère Podalydès... No comment.